Des personnages de femmes blessées, hors champ, il y en a, bien sûr, dans le cinéma. Celui de Linda ressemble par certains côtés à celui de Nell qu'incarnait Jodie Foster, avec les gestes qui rassurent, le contact appréhendé, les portes que l'on ferme pour se protéger. A cette fragilité et cette différence s'ajoutent ici ce qui nous désarçonne, à savoir la parole qu'on imagine souvent absente chez les autistes, cette faculté de voir au-travers de l'autre dit normal, de percevoir ses blessures, de dire sa peine autrement etc... Sigourney Weaver nous offre une sorte de candeur, d'enfance au-delà de l'enfance, des perceptions autres du réel, elle nous ouvre des portes sur la jouissance, notamment lorsqu'elle mange avec ardeur ce gâteau de neige. Quelle belle image, ma foi! Belle, forte, pure, comme une immensité! Cette histoire, c'est celle de possibles rencontres, au-delà, au-delà des peurs, des incompréhensions, des étiquetages, des comportements admis et de la bienséance, avec aussi la manière réservée qu'a Alan Rickman d'interpréter son rôle sans rajouts superflus et la présence cosie de Carrie Anne Moss, femme seule et tendre, libre et généreuse. Des portraits de qualité, un temps aussi pour de petits rires, un regard.