"16 blocs" offre un rôle taillé sur mesure pour Bruce Willis. Le voilà de nouveau en flic, mais pas sous les traits de John McClane. Ça aurait presque pu. Car les recettes sont les mêmes : alors qu’il s’apprêtait à quitter son service et à rentrer chez lui taper la causette à une bouteille de whisky, le voilà chargé au dernier moment d’une mission qui ne lui était pas destinée. En somme, il se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. A l’image de l’apparence délabrée de son personnage, c’est en traînant des pieds qu’il prend sans trop rien dire (mais en n’en pensant pas moins) cette mission de routine promise à une rapide exécution. Sauf que rien ne va se passer comme prévu, et c’est ce qui va nous être montré quasiment en temps réel. Le départ nait donc de la naissance de l’improbable duo que Bruce Willis et Mos Def vont former. Eh oui, il forme un nouveau tandem avec un noir. Après Reginald Veljohnson dans "Piège de cristal" et Samuel L. Jackson dans "Une journée en enfer" (pour ne citer que les plus emblématiques), le voilà acoquiné d’un véritable moulin à paroles qui ne s’arrête jamais. Il est cool, mais qu’est-ce qu’il est bavard ! C’est à se demander s’il cause autant quand il dort… Toujours est-il que c’est dans ces incessants bavardages que réside l’humour. De ce point de vue-là, Mos Def joue très bien le coup et apporte un sacré contraste avec ce vieux flic fatigué réduit à l’ombre de lui-même. Bruce Willis aussi joue très bien le coup, avec les yeux rougis et le regard fuyant, hors du coup qu’il est sous sa dégaine courbée par le poids de la dépression mal cachée derrière une moustache qui ne lui va pas. "16 blocs" entre très rapidement dans le vif du sujet, comme si le spectateur était invité à suivre cette mission de routine comme un bon petit soldat en quête de bon exemple. Et tout aussi rapidement, dès la prise en charge de la personne à convoyer, on sait que quelque chose se trame avant même de voir les flingues grâce aux bonnes notes musicales à suspense de Klaus Badelt. Car c’est peut-être une mission de routine sensée nous faire traverser 16 pâtés de maison, mais le spectateur devine que ça ne va pas être une promenade de santé. Et quand on voit ce flic taiseux seul, à supporter en prime les palabres interminables de son protégé, face à une adversité plus nombreuse, plus organisée et plus déterminée… yooooouuuuu eh bien on ne voit pas bien comment Richard Donner va tenir le spectateur durant une centaine de minutes. Eh bien il suffit de rajouter un joli face à face avec David Morse, grandi par une inébranlable détermination totalement dénuée de scrupules. Alors bien sûr, on a de belles scènes d’action, avec des cascades, quelques menues fusillades. Mais on a aussi quelques belles empoignades verbales lourdes de menaces, ce qui donne aussi cette dimension psychologique dont je parlais plus haut à ce film où il n’y a pas de héros ni de monstre à proprement parler. Ce sont donc de vrais personnages, chacun possédant pour les principaux des zones d’ombres distillées au cours de la narration par quelques indices disséminés ici et là. Sans être transcendantal, "16 blocs" est un bon film car il réussit à garder l’attention du spectateur bien que celui-ci entrevoit la fin : il voit les bons triompher des méchants en menant sa mission à terme dans l’extrême limite du délai. Euuuuh, je ne vous en dirai pas plus, car la fin est résolument surprenante et inattendue. En tout cas, moi je ne la voyais pas venir comme elle nous est proposée.