Avis sur Justine

Avec ce film, George Cukor démontrait encore au public combien il n'avait pas perdu la main et demeurait une des valeurs les plus sûres d'Hollywood quand il s'agit de dépeindre de grandes fresques romantico-historiques. Cukor n'a pas son pareil et parvient de faire de cette histoire alambiquée une oeuvre touchante et forte marquée par l'interprétation de Michael York, déconcertant de justesse. Dommage qu'Anouk Aimée, trop française, vienne affaiblir un ensemble de haute tenue. Un très beau film qui vient éclairer une image méconnue de l'histoire moderne de l'Egypte tiraillée entre les luttes religieuses à la veille de son indépendance.

Cukor ne peut un mauvais film, c'est une quasi certitude après en avoir vu une vingtaine. Celui ci n'est pas le meilleur mais très certainement l'un de ses plus originaux. Réussir à composer une telle ambiance est une étonnante performance pour un homme dont la culture se situe loin de l'Egypte des années 30. Cette ambiance étouffante,confuse,inexplicable même par moments est terrorisante et ce qu'il obtient d'Anna Karina et encore plus de Anouk Aimée m'impressionne beaucoup. C'est vraiment dans ce film ''exotique'' que sa passion pour les femmes lui a rendu les plus grands services pour réussir quelque chose de difficile. Sa mise en scène par contre m'a un peu déçu surtout dans les scènes qui grouillent de monde, peut-être a-t' il voulu la baisser au niveau du vulgaire ou du sordide qu'il décrivait...Je ne le saurais jamais. Heureusement, de très belles séquences parsèment cette oeuvre et tous les personnages sont réussis avec en particulier un superbe Nassim qui aurait mérité un temps de pellicule plus long. Le couple Narouz/Justine est superbe avec une ambiguïté qui donne le climat général d'Alexandrie...Mieux vaut aux naïfs et aux innocents d'éviter cette ville du temps des Anglais.

Le grand George Cukor a réalisé un film d'espionnage à l'atmosphère étrange, assez chargée érotiquement et légèrement désuète mais suffisamment prenante pour que l'intrigue en elle-même passe au second plan. Même si Dick Bogarde et Michael York sont très convaincants, c'est une fois de plus dans la direction d'actrices que le réalisateur se montre le meilleur sachant utiliser à fond le talent et la beauté d'Anouk Aimée et surtout celle fascinante d'Anna Karina. Un film méconnu mais dont l'étrangeté fait qu'il mérite d'être regardé.

1. Adapter Le quatuor d'Alexandrie ? Drôle d'idée. 2. Cukor est arrivé au dernier moment sur le tournage après le licenciement du réalisateur prévu. 3. Cukor a 70 ans, en 1969. Ses derniers films seront Voyages avec ma tante (aïe), L'oiseau bleu (aïe, aïe, aïe) et Riches et célèbres (chouette).
Le film n'est pas catastrophique, simplement indigeste. Avec quelques beaux moments décadents, cependant (le carnaval), qui ne font pas oublier un scénario filandreux dans son ensemble. Tout l'aspect politique ne vient qu'à la fin et semble complètement plaqué et artificiel (il est douteux que Cukor s'y soit vraiment intéressé). En revanche, Cukor est fidèle à sa réputation d'homme "qui aimait faire tourner les femmes" et offre deux beaux rôles ambigus à Anouk Aimée et Anna Karina. Du côté des hommes, c'est nettement moins convaincant : Bogarde semble absent, Noiret ne fait que passer et York joue comme un jambon (un peu trop facile, ok).