Les frères Dardenne semblent s’adresser à un public restreint formé d’experts, de professionnels, de cinéphiles chevronnés, de rares amateurs et de quelques bobos, il en faut toujours un peu. En cause un cinéma épuré à l’extrême, dépouillé du moindre artifice, lent, brut, qui pose son œil clinique sur ces destins misérables qu’on croise partout mais ne voit jamais. Précis, juste, sans concession ni fioriture, L’enfant raconte l’arrivée d’un nouveau-né chez un couple bohème, insouciant et sans le sou : comment il redéfinit les lois du couple, cristallise les peurs de l’un, l’amour de l’autre, révèle les extrêmes où les travers de chacun peuvent conduire. On croirait voir un numéro de Strip-tease tant le rendu confine au documentaire, profond discrètement, faussement distant, qui décortique chaque instant, chaque geste dans un même élan de vérité et de détachement feint. Les acteurs sont habités, les plans respirent le vrai à chaque seconde, tour à tour heureux, funestes, passionnés, lancinants, ennuyeux. Car c’est bien là qu’est le trouble : à tant déshabiller l’objectif, on perd un peu l’attention du novice – dont je suis. Reste qu’une observation si pénétrante du monde qui nous entoure méritait bien sa distinction cannoise. Une découverte.