J'étais très curieux à l'idée de voir ce film rare. D'autant, que mis à part, "Loulou", véritable chef d'oeuvre du muet, je n'ai jamais vu d'autres films du grand Georg Wilhelm Pabst. Dès les premières images, on voit qu'on à faire à un grand metteur en scène car tout est techniquement maîtrisé (belle photo, maîtrise du cadrage et du montage,utilisation de la musique à bon escient) et qu'il y a du métier dans la direction d'acteurs. De ce point de vue, le film ne souffre absolument pas de la comparaison avec certains films modernes, parfois bien moins maîtrisés.
Sans connaître toute la filmographie de Pabst, je ne pense pas me tromper en disant que ce film de sa période française, n'est pas son meilleur, même s'il a l'audace d'abordés des faits politiques récents, puisque le film est sorti fin 1938 (le début de la guerre en Chine qui allait opposer les communistes aux républicains). La première partie du film accuse quelques baisses de rythmes et temps morts, dû aux "retrouvailles" semée d'embûches entre Kay (Christiane Mardayne) et sa fille Véra (Elina Labourdette, débutante). En gros, cet arc narratif qui tient tout le film est un peu "ennuyeux". Et apparemment, ce n'est pas ce qui intéresse le réalisateur. Même s'il est présent pour mieux appuyer la volonté de Kay de se sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve.
Il est beaucoup plus à l'aise quand il aborde la relation entre Kay et Ivan (Louis Jouvet, toujours parfait en salaud cynique), l'ambiguïté de leur lien, détruit par toutes ces années de manipulations, inhérente au monde du renseignement. Deux victimes du système et des trahisons permanentes, tous deux pions d'un contexte géo-politique et géo-stratégique qui les dépasse et dont ils paieront tous deux un prix fatal. L'audace de G.W. Pabst, c'est d'oser insuffler sa vision personnelle sur les événements en cours en Chine durant la deuxième partie partie du film. On sent le souffle de l'histoire se jouer devant nos yeux, exaltant le soulèvement populaire du peuple chinois en quête d'un monde "meilleur", en dehors des tentatives d'asservissement des pays occidentaux plus occupé à "protégé" les partisans d'une vieille Chine conservatrice, afin de s'assurer une influence économique et politique toujours plus importante. Les derniers moments du film sont à forts, à la limite du spectaculaire. C'est là qu'on sent l'ambition de Pabst sur ce film, comme si en raison des contraintes de budget, il n'avait pas pu tourner le film qu'il avait pensé. Malheureusement, cette sensation de manque de moyens plane sur toute l’œuvre, qui s'avère au final une réussite en demi-teinte ou en mode mineur.