Piaf a de quoi intimider. Olivier Dahan s'en fout, il fonce. Dans sa biographie enflammée, partiale mais précise, impossible de dissocier l'existence de Piaf de son oeuvre. Sa voix contient sa vie. L'enfant grandit dans les rues de Belleville, est abandonnée par sa mère, récupérée par son père, qui la confie à sa propre mère, tenancière de bordel en Normandie. Dahan filme vite et bien, sélectionne des moments clés comme autant d'instantanés. La cécité soudaine, la vie sur les routes avec le père contorsionniste, la pègre... Le kaléidoscope oscille toujours entre le conte de fées et la tragédie. Ce qui compte, c'est l'énergie, fût-ce celle du désespoir.
Ascension, grandeur et déchéance. Dahan mixe le tout, sans chronologie linéaire. Très tôt, la fin pathétique est montrée ; très tôt, le vieillissement survient : à 40 ans, Piaf en fait 70. Rien n'est caché de sa dégradation physique. Mais Piaf a le don de transformer sa laideur en beauté. L'exceptionnel, chez elle, c'est sa force de conviction, sa foi têtue, inébranlable, en l'amour, la chanson et... sainte Thérèse. Tout près de la Piaf décadente, il y a la Piaf dévote, qui supplie en embrassant sa petite croix portée au cou. D'un extrême à l'autre, la même personne qui abhorre la modération, la tiédeur. Le mal et le bien, l'amour et le chagrin, le succès et l'excès, l'un exacerbe toujours l'autre. C'est à travers ce double paroxysme que Dahan est le plus inspiré. Et la Cotillard, alors ? L'actrice (césar et oscar de la meilleure actrice) est fidèle à l'esprit de la Môme : elle s'offre sans compter, donnant l'illusion de risquer sa peau, au sens propre comme au figuré.