Je connaissais Eastwood comme acteur-réalisateur humaniste. En témoigne le non moins somptueux "Sur la route de Madison" dans l'un de ses premiers films à ce sujet derrière la caméra. Et voici "Disgrâce" de Steve Jacobs. Il signe ici son second long-métrage et ancre son histoire dans le contexte post-Apartheid.
Comment un professeur de lettres, sexuellement incontrôlable, va tenter de renouer un lien avec sa fille suite à une de ses mauvaises fréquentations ? Que peut il faire devant le viol de sa fille ? Il reste impuissant (malgré sa révolte plus qu'ombrageuse), et tente de comprendre le sens de son existence.
Steve Jacobs emploie John Malkovich dans le rôle du professeur. Malkovich campe merveilleusement bien un personnage rongé par ses complexes. Sa performance, aussi majuscule soit elle, nous scotche totalement et littéralement pendant la durée du film. Il nous prouve, de par sa palette de sentiments, qu'il sert admirablement le propos du film. De "Disgrâce", Malkovich tient non seulement le haut de l'affiche, mais il nous prouve à sa juste valeur qu'il a les épaules pour interpréter ce genre de rôle, aussi intéressant soit il, ambigüe et sublimement incorporel. Au final, John Malkovich arrive à nous faire oublier qu'il est J. Malkovich. Coup de maître, John !! Respect ! Tu nous prouves ainsi ta possibilité de tourner dans un certain cinéma d'auteur. Extra. Un point d'orgue inavouable. J'adore !!
Avec Jessica Haines (pour son premier rôle au cinéma) qui frappe fort ; Fiona Press (elle aussi au début de sa carrière), irréprochable ; et Eriq Ebouaney (acteur éclectique : "La piste" pour Eric Valli, il tombe ensuite dans l'horreur pour "La horde", et il revient pour Madame Birkin dans le voyage de "Thelma, Louise et Chantal"), qui m'a fait parfois penser à Dennis Haysbert (vu chez Monsieur Mann ("Heat") et aux côtés de Julianne Moore dans "Loin du paradis") à cause de son interprétation remarquable, poignante et apaisante. J'en redemande Eriq !
Couronné par la mise en scène de Steve Jacobs, "Disgrâce" ne s'égare pas et sur le fil du sujet dénonce amèrement et sans aucun scrupule la vie sud-africaine dans le territoire des hommes noirs. Une maîtrise totale, des plans séquences à la Melville choisis, des dialogues sans fioritures, une fluidité palpable de tous les instants, une musique trop peu présente (j'aurai aimé qu'elle soit mirobolante), une interprétation générale à couper au couteau, tels sont les ingrédients de "Disgrâce", basé sur le roman éponyme de J. M. Coetzee (que je ne jamais lu).
"Disgrâce" : un film indépendant poignant avec un John Malkovich saisissant. Âmes sensibles, s'abstenir. 2 étoiles sur 4.