Un jour, alors que la mode du “caméra à l’épaule� battait son plein, quelqu’un de chez Arte a filé une caméra à Philippe Katerine et lui a dit d’en faire ce qu’il voulait dans le cadre de l’émission “Portraits� : ça a donné “1km à pied�, court-métrage dans lequel le chanteur se balade en vue subjective de son école primaire à sa maison d’enfance et égrène ses souvenirs. Il semblerait qu’il ait pris goût à l’exercice puisque quelques temps plus tard sortait ‘Peau de cochon’, dans lequel le chanteur réitère l’expérience à plusieurs reprises sans qu’il y ait un véritable fil conducteur autre que “Philippe Katerine� pour unifier les différentes sections du film. Apprécier Philippe Katerine, plus spécifiquement son univers et sa manière d’envisager la réalité qui l’entoure, ou en tout cas avoir une expérience préalable du phénomène me semble impératif, sous peine de ne voir dans ce projet qu’une succession de films amateurs instables dans lesquels un hurluberlu délire sans même prendre la peine de reprendre son souffle. Dans l’affirmative, on trouvera assez vite un drôle de charme à ces anecdotes décalées, ces expériences surréalistes et ludiques, ces petits moments insignifiants qui débordent de poésie et de folie douce. Avec “Peau de cochon�, Katerine est dans l’acte artistique gratuit, qui ne s’encombre ni de logique ni de message à faire passer. Dans une des séquences, il filme ainsi une de ses nièces improviser une histoire abracadabrante : la scène traîne en longueur au point de susciter un peu d’irritation chez le spectateur...avant que Katerine, adulte malgré les apparences, ne la reprenne mot pour mot et justifie instantanément ce qui a précédé. Dans une autre, il suit sa compagne d’alors, Héléna Noguerra, dans les rues de Paris au fil d’un long monologue obsessionnel. Un troisième court le voit faire signe aux automobilistes depuis un pont autoroutier et philosopher sur leurs réactions et les constats qu’il en tire. Enfin, je ne vais pas tout vous raconter en détail, il faut juste savoir que même quand c’est un peu triste, même quand c’est un peu nostalgique, il y a toujours cette volonté chez lui de refuser toute forme de cartésianisme ou de pragmatisme, et de continuer à rendre magique, drôle et décalé, donc essentiel, tout ce qui est insignifiant. Ce n’est pas souvent qu’on peut dire qu’un documentaire - car dans un certain sens, c’est un documentaire, déguisé en film amateur - ressemble autant à son auteur...de toute façon, plonger dans la psyché de Philippe Katerine est une expérience que je voulais vivre depuis très longtemps !