Aaaaah les romans de Marcel Pagnol ! Lui savait conter sa Provence natale ! Sa prose permettait au lecteur de presque sentir les senteurs des champs de lavande, d’humer les bonnes odeurs des plantes aromatiques, d’être bercé par l’accent du sud… et d’entendre le chant des cigales. Ben tiens, ça tombe bien, c’est justement sous le chant des cigales que s’ouvre le générique de "La gloire de mon père", adaptation cinématographique du roman éponyme de l’enfant d’Aubagne. Ce film est plaisant dans son ensemble, mais ce n’est selon moi la meilleure adaptation qui ait été faite. Pourtant, c’est la première fois que le 7ème art s’attaque au premier volet des « Souvenirs d’enfance », déclinés non pas en trois mais quatre volumes. La première surprise réside en la personne venue occuper le fauteuil du réalisateur : Yves Robert. Lui qui s’était surtout illustré dans la comédie, le voir ici à la baguette était pour ainsi dire impossible à prévoir. D’autant que le challenge était de taille à relever, surtout après le passage quatre ans plus tôt de Claude Berri avec son diptyque "Jean de Florette" et "Manon des sources", autres adaptations des romans de Pagnol. Le style est différent. Forcément, les « Souvenirs d’enfance » est sans doute l’œuvre la plus personnelle de l’écrivain, puisque ces écrits ne sont ni plus ni moins qu’une œuvre autobiographique. En cela, on retrouve dans le film cette marque personnelle grâce à la narration en voix off du jeune Marcel. Yves Robert a essayé de retranscrire à l’écran tout ce qui a pu fasciner le jeune Marcel, jusqu’à l’en faire tomber amoureux : la garrigue (constituée par les grands espaces arides et escarpés), le chant des cigales, les oiseaux… Il s’est également efforcé de retranscrire au mieux la nostalgie d’une époque révolue, l’admiration que le futur auteur avait envers son père, avec toute l’émotion qui allait de pair. Malheureusement, l’émotion ne parvient pas à sortir de l’écran pour submerger le spectateur, et ce en dépit du respect quasi chirurgical de l’œuvre littéraire. Les différents plans effectués sur la nature ont beau avoir été réussis, il manque ce petit quelque chose d’indéfinissable qui aurait pu donner au film toute la puissance émotionnelle des écrits. Autrement dit, Yves Robert a échoué là où Claude Berri a réussi. Nous avons pourtant des personnages hauts en couleur et criants de vérité : je pense au brocanteur (Jean Rougerie), au facteur (Michel Modo), et à François (Pierre Maguelon). D’ailleurs, vous demanderez à ce dernier comment voit un aveugle qui met des lunettes de soleil : trop drôle ! Ah ces expressions imagées marseillaises. Personnellement, j’adore ! J’en suis friand et je trouve même qu’il n’y en a pas assez. Pour une partie du casting, mon avis est que c’est un peu surjoué : à commencer par Philippe Caubère dans la peau du père de Marcel. De même que Didier Pain dans le rôle de l’oncle Jules. Encore que je l’ai trouvé nettement plus à son avantage dès que tout ce petit monde s’est retrouvé réuni en vacances pour un séjour inoubliable (surtout pour Marcel). Mais au moins, l’oncle Jules et Joseph Pagnol nous ont offert auparavant une confrontation savoureuse qui nous promettait quelques menues étincelles… restées en l’état. A côté de ça, d’autres personnages auraient pu être plus emblématiques qu’ils ne le sont : cette fois je pense à Edmond des papillons dit « Mond des Parpaillouns » interprété par Paul Crauchet, ou à Lili des Bellons joué par Joris Molinas. Comme pour preuve de ce manque de conviction, on ne retrouvera ce dernier que dans la suite donnée, à savoir le "Le château de ma mère". "La gloire de mon père" n’en demeure pas moins une œuvre assez agréable à suivre, mais on est loin de l’excellence des adaptations antérieures, qu’elles datent de quatre ans plus tôt, ou bien plus anciennes encore, notamment avec la bande à Raimu ou Fernandel. A noter aussi quelques petites erreurs, en particulier concernant les cigales : celles-ci ne sont pas si faciles à attraper (il faut déjà les voir, ce qui n'est déjà pas si évident tant elles se confondent avec le décor), et je doute qu’elles se mettent à chanter quand elles sont enfermées dans une poche. Il faudrait le vérifier dans le roman. Mais reconnaissons tout de même qu’Yves Robert s’en est tiré honorablement. Une chose est sûre, cela m’a donné envie de redécouvrir d'une part l’œuvre littéraire originelle, et le diptyque de Claude Berri d’autre part.