Alors que dire de ce premier film de Mai Zetterling. Déjà visuellement c'est très beau. La caméra est au plus proche de ces jeunes filles. On le voit avec des plans très rapprochés sur leurs visages et leurs gestes. On est quand même mieux lotis que pour Le Compte de Monte Cristo... Il y en a d'ailleurs principalement quatre. Touchées de près ou de loin par la maternité ou le mariage. Selon chacune d'entre elles, elles représentent l'ENTHOUSIASME (Agda) la PEUR (Adele) le DÉGOUT (Petra) le REGRET (Angela). C'est ce à quoi ressemblerait probablement Vice Versa 4 si l'idée d'être family friendly n'était pas prise en compte.
La nature est aussi importante avec des décors plutôt ruraux et tournés dans des jardins par exemple. On s'attend du coup à une thèse pas mal rousseauiste. Et bien oui ! La dénonciation des comportements sexistes et des sujets de conversations des hommes sont sacrément futiles à côté du quotidien terrible mais en apparence prude des femmes. Et on se demande bien la faute à qui. Ce rapport entre les sexes paraît animal et tellement répréhensible que l'on ferait peut-être mieux de retourner dans les bois sans le fardeau des mœurs et de notre mode de vie absurde et artificiel.
Je pense particulièrement au cours d'enseignement du christianisme au début. Où pendant que la professeure énonce sévèrement ce qu'elle a à dire sur Jésus, la caméra se tourne vers un couple de chiens en plein koït..
"Social life is awful. I'm too old to have fun, too young to decline."
Dans la deuxième partie, nous sommes malheureusement témoins d'une plus importante acceptation, de la part des 4 fantastiques de leur sort. L'action est bien plus concentrée dans des maisons et au sein de diners mondains animés par les règles codifiées de la bienséance et de la bourgeoisie. Elle est donc en opposition avec la première et ressasse l'aspect non naturel de ce mode de vie et de l'asservissement certain de ce deuxième sexe, avec souvent un dénigrement d'elles-mêmes. Puis finalement, elles se montent toutes les unes contre les autres et la facette de leur révolte ne se résume plus qu'à; JALOUSIE. Sentiment qui est le résutat de l'avidité et de la frustration accumulées en subissant les injustices de leur condition féminine. Cette évolution se corelle avec le passage à l'âge adulte, qui a forcément sa part de responsabilité dans cette intensification de la docilité. Au point même de vouloir quitter sa jeunesse pour avoir ne serait-ce qu'un espoir de changement, de renouveau et ce quelqu'il soit.
"-What are you doing ?
-I am celebrating my freedom."
Comme on pouvait s'y attendre, le point principal reste la manière dont la sexualité est abordée. Je n'ose même pas imaginer des puritains devant ce film, assis à regarder scandalisés, deux femmes qui s'embrassent ou faire la louange de joyeuses fornications passées. Et aussi assister à la réalité d'une aristocratie qui se prostitue. Big up au gâteau, je ne sais pas si c'est moi mais ils ont l'air d'être un vaste étendue de chantilly, en forme de... disons de mamelles. Peut-être que si hommes et enfants l'apprécient, sans doute que ça un rapport avec Rousseau, l'homosexualité dans l'état de nature tout ça mais c'est possible que je sois juste étrange. Après cette idée revient avec la répétition des vœux à l'église. On peut y voir deux hommes (de la meme famille mais bon pour eux il ne s'agit pas d'un problème), avoir une réelle complicité, à tendance plus qu'amicale.
La nudité aussi fait partie intégrante de la vie de c'est femmes décrites par ce film. Les tabous nous semblent être un personnage à part entière tellement ils sont présents et sont à l'origine de chaque opinion, décision et en même temps cause de mal-être. En lien avec ce précédent point, pile au moment ou je me demandais ce qui pouvait bien avoir pu classer le film interdit au moins de 16 ans, est apparue une scène d'inceste... bon. Ainsi que la scène d'accouchement. Quand il s'agit de filmer l'instant fatidique de cet évènement, les films qui ne vivent pas pour être vendus sont toujours explicites et directs. Et notre chère Mai ne lésine pas là-dessus. Son talent de mise en scène et d'écriture n'en prend que du galon et obtient tout mon respect.
"Mens always let you down."
Il y a aussi un autre point que je trouve toujours primordial à aborder dans des films anciens ou d'époque (ou les deux), c'est la peur et l'inconfort que l'on a en assistant à des faits quotidiens et des façons de vivre, qui nous apparaissent comme éperdument injustes par rapport à ce que l'on peut vivre nous. Ici ce sentiment est bien mobilisé et ressenti aux côtés de ces filles, victimes de leur temps.
"We women mustn't be selfish. We fight to stand on our own feet untill a man comes and ruin it all."
Les années soixante sont potentiellement les plus riches et intéressantes cinématographiquement parlant, et ce film fait partie de ceux qui en sont responsables. Du genre à nous faire se demander comment un film aussi progressiste dans ses thèmes et son point de vue à bien pu finir par être financé et produit. Et finir par être un précieux témoignage des pensées sous-jacentes de son temps.
"-This male vanity ! Men think their old flames can't forget them."
Film féministe bien comme il faut, avant-gardiste comme on aime et intemporel, en voilà un concentré de qualités qui fait obligatoirement d'un film, une œuvre sous-côtée. Courez le voir si vous le pouvez, vraiment.