Un beau film sous estimé. Du roman initial, Yves Angelo (un cinéaste classique et non académique, comme le dit la critique presse, qui comme souvent regarde avec des oeillères...) parvient à retracer tant la noirceur du propos qu'un climat lourd, glauque et pesant. Une image teintée de gris, un arrière plan sonore empli d'échos de canons et de mitrailles, un filmage au ralenti, près du sol, qui rend extrêmement bien cette atmosphère empesée de brouillard persistant. La mise en scène ne se contente pas d'illustrer, elle trouve des correspondances tant au style de l'histoire qu'à son propos. En dépit de quelques scènes un peu faibles, Les Ames grises avancent plan après plan et imposent un monde de guerre dur, où il fait froid tant au dehors que dans les coeurs. Les interprètes, Marielle et Villeret surtout, irradient. Marielle, probablement un des plus grands comédiens en exercice, dans l'un de ses rôles les plus denses, tout en intériorité. Villeret, surprenant, dans un rôle d'une infinie noirceur, l'un des rares sinon le seul personnage "mauvais" qu'il lui ait été donné d'interpréter. Le reste de la distribution est au diapason : Podalydès, juste comme toujours, et la merveilleuse Marina Hands, dont le visage pur illumine la 1ere moitié du film. Une belle oeuvre, presque complètement réussie, qui tranche avec le gros de la production française (bien au dessus, par exemple, d'Un long dimanche de fiançailles !) et sera certainement réestimée avec les années.