Comme dans les Westerns, les âmes grises parlent dhommes qui habitent au bord du précipice, à la limite des territoires connus. Au-delà, les espaces mystérieux, le territoire des sauvages chasseurs de scalp, la dernière frontière dont on ne revient pas.
Ici, lespace inconnu et menaçant cest la guerre, celle de 14-18, un monstre qui engloutit les hommes sans trêve. Laction se déroule dans une cité agonisante, proche dun front qui lui fait sentir sa présence par le grondement sourd et incessant des canons. Ici, lon vit tant bien que mal, chaque homme, coupable de ne pas être là-bas au front assume sa cupabilité et sa peur. Ici, comme ailleurs, on meurt assassiné et cest lhistoire dun double crime que ce film nous raconte.
Cependant la vérité est ailleurs. Peu importe les coupables, on se contente de nous suggérer la vérité à la fin du film. La réalité cest que ce film parle de lenfer.
Lenfer cest la guerre. Limage la plus forte du film, cest la vision du champ de bataille, la bête dévoreuse dhommes. Le policier, qui va mener lenquête sur les meurtres, sinquiétant pour son fils parti à la guerre, retrouve par hasard en haut de la colline qui sépare le village des combats une jeune fille qui espère le retour de son amant. De ce promontoire glacé, ils observent le champ de bataille, un nuage de poussière, brisé par le feu des canons, éclairs de feu qui tonnent puissamment comme des trompes dapocalypse.
On image, là-bas, dans la boue collante des tranchées, lodeur des cadavres qui pourrissent alentours, les gaz qui irritent jusquà la limite de lasphyxie et surtout la folie. La folie de tuer et dêtre tué à chaque seconde, emporté par une balle qui vous arrache la moitié du visage ou un obus qui vous ouvre le ventre.
Pour ceux qui sont là-bas, il ne peut y avoir pire enfer. Pour ceux qui restent ici, il ne subsiste que la mort, partout autour, familiére, comme une amie, presque une délivrance.