Relever des défis techniques, c’est sa grande passion à Robert Zemeckis. Ce que personne n’ignore, depuis qu’on l’a vu associer Bob Hoskins à un lapin animé, ou faire se rencontrer John F. Kennedy et Tom Hanks. Ce même Tom Hanks qu’il avait, par la suite, entièrement numérisé dans le “Pôle express”, premier long métrage entièrement réalisé en “performance capture”, avec des acteurs filmés couverts de capteurs, avant d’être recrées en images de synthèse. Un procédé novateur et impressionnant, qu’il réemploie aujourd’hui, pour mettre en images le plus ancien poème épique en langue anglaise : la légende de Beowulf, guerrier venu du Nord pour débarasser le roi Hrothgar d’un démon belliqueux envers son peuple.
Si des raideurs subsistent dans quelques mouvements, ou que certains regards semblent un peu vagues, nul ne pourra rester de marbre face au degré de réalisme affiché par le long métrage, que ce soit au niveau des décors ou de la ressemblance de chaque personnge avec le comédien qui l’incarne (les premières apparitions de Ray Winstone, monstrueusement charismatique dans le rôle-titre, et d’Angelina Jolie sont d’ailleurs bluffantes). Un réalisme qui permet aux émotions d’outrepasser le côté un peu glacé que peut dégager le procédé, tandis que la mise en scène de Zemeckis, fluide du début à la fin, nous offre quelques morceaux de bravoure et des images dantesques, sans édulcorer la violence ou les sous-entendus sexuels présents au sein du scénario. Fruit d’un acharnement de dix ans de la part de Roger Avary et Neil Gaiman, qui se sont surtout attachés à combler les trous nés de la tradition orale du poème, il donne ici un récit épique marqué du sceau de la malédiction, traversé de personnages humains (donc faillibles), et qui ausculte les notions de héros et de légende, en confrontant, plus d’une fois, les racontars à la réalité, et démystifiant, tant que faire se peut, Beowulf, tandis que le récit de sa légende atteint ici des sommets.