A l'époque de la sortie de Zodiac en 2007, cela faisait cinq ans que David Fincher n'avait plus donné de nouvelles depuis Panic Room, un film de commande sorti en 2002 et considéré comme l'une des ses œuvres les plus mineures de sa filmographie. Le réalisateur revenait donc au genre qu'il avait lui-même réinventé en 1996 avec Seven : le thriller de serial killer. Et avec Zodiac, David Fincher signe l'un de ses meilleurs films, pour moi un chef-d'oeuvre du genre, et qui annoncait en même temps un grand changement de style dans le cinéma de ce brillant réalisateur américain. Zodiac, l'insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 1960 et répendit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l'Eventreur de l'Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Il s'attribua une trentaine d'assassinats, mais fit bien d'autres dégâts collatéraux parmi ceux qui le traquèrent en vain. Robert Graysmith, jeune et timide dessinateur de presse, n'avait ni l'expérience ni les relations de son brillant collègue Paul Avery, spécialiste des affaires criminelles au San Francisco Chronicle. Extérieur à l'enquête, il n'avait pas accès aux données et témoignages dont disposait le charismatique inspecteur David Toschi et son méticuleux partenaire, l'inspecteur William Armstrong. Le Zodiac n'en deviendrait pas moins l'affaire de sa vie, à laquelle il consacrerait dix ans d'efforts et deux ouvrages d'une vertigineuse précision. Présenté en compétition officielle lors du 60ème Festival de Cannes, Zodiac est certes repartit bredouille, mais les critiques furent élogieuses le qualifiant de « brillant », « jubilatoire », « angoissant », « d'oeuvre fascinante », « intelligente » ou encore du « premier grand film américain de 2007 ». Succès auprès des critiques, le retour de David Fincher au thriller a également été un succès auprès du public avec notamment 1 134 684 spectateurs en France. Mais bizaremment on a l'impression que le film a fait un flop aux Etats-Unis avec seulement 33 millions de dollars de recoltés pour un budget de 85 millions et ses recettes mondiales s'élèvent à un peu plus de 84 millions de dollars, de quoi juste rembourser son budget. Mais si Zodiac n'a sans doute pas été bien compris par tous les spectateurs lors de sa sortie, il a, au fil du temps, acquérit une belle notoriété auprès des fans de Fincher en le classant parmi ses meilleurs films. Personnellement, Zodiac est un mon film préféré du réalistaeur avec Seven, Fight Club et The Social Network. Ce film est sans doute le plus détaillé de David Fincher, à la limite d'un docu-fiction qui reviendrait sur l'enquête du tueur du Zodiac, dont on ne connaît toujours pas l'identité, et qui aurait tué, selon certains enquêteurs, entre 37 et 200 personnes entre 1966 et 1978. Une enquête policière qui ne pouvait être mise en scène que par David Fincher. Seven était de la pure fiction, Zodiac, lui, s'inspire d'enquêtes réelles et le scénario est aussi brillant que la mise en scène de Fincher, le tout accompagné d'excellentes prestations d'acteurs. Le film commence en 1969, ce qui permet ainsi de retracer toute l'enquête sur le Zodiac jusqu'en 1991, où David Fincher reconstitue les meurtres les plus terribles et célèbres du tueur et met en avant des suspects aussi mystérieux qu'énigmatiques. Le scénario est à la fois angoissant et sombre, des scènes brillantes viennent faire monter cette tension notamment la scène de la cave où Jake Gyllenhaal se retrouve seul à seul avec un homme qui pourrait être le Zodiac, tout le style de Fincher atteint son apogée lors de cette scène purement noire, terrifiante et ténébreuse où le doute habite le spectateur : le héros est-il seul à seul avec le tueur ? Parmi les autres scènes marquantes du film où le suspense et la violence sont les maîtres, nous pouvons compter la scène qui ouvre le film où un jeune couple se fait tirer dessus au pistolet silencieux, il y a la scène de l'attaque d'un couple au bord d'un lac à coups de couteau ou encore l'interview télévisé où le Zodiac entre en contact avec un psychologue, une scène qui montre tout le dérangement du teur, à faire froid dans le dos. Et là où le film est très fort c'est dans sa fin où le réalisateur conclue son œuvre dans un suspense brillant laissant planer un doute incertain sur l'identité du tueur mais en relancant également les soupcons sur le personnage d'Arthur Leigh Allen, sans doute le personnage le plus mystérieux du film. Ensuite si le film est aussi complexe c'est bien grâce à sa mise en scène car si David Fincher n'avait pas réalisé le film, même avec ce même scénario aussi brillant soit-il, le film n'aurait pas eu le même impact. David Fincher livre ainsi un suspense et une angoisse qui maintiennent le spectateur dans une peur constante durant les 2h30 du film. Avec Zodiac, le réalisateur arrivait pour certains critiques à un stade plus mature avec une réalisation plus classique tout en restant sobre et fluide. Désormais le « Fincher punk » a cédé sa place au « Fincher perfectionniste » qui cherche à rendre ses films ultra-détaillés. Il s'attarde en effet sur chaque détails historiques de l'affaire et développe des éléments sans doute plus fictionnels mais réussit tout de même à garder l'intérêt du spectateur avec sa mise en scène parfaite qui appuie sur le réalisme de l'enquête. Quelques scènes sont virtuoses comme celle où le taxi jaune, où la caméra donne une vue plongeante sur le taxi qui roule dans les rues de San Francisco et le suit mécaniquement, cette scène très courte est sans doute l'une des plus esthétiques du film. Toujours plongé dans une lumière jaune pâle qui contribue a créer une certaine ambiance des années 1970, la réalisation de David Fincher est plus fluide et simpliste tout en restant brillante. Maintenant c'est terminé les plans séquences audacieux de Panic Room avec une caméra qui se promène partout ou les scènes numériques virtuoses de Fight Club, maintenant la caméra du « Roi David » est plus posée et le réalisateur excelle dans ce style et le prouvera de plus en plus dans ses précédentes réalisations. David Fincher a donc fait de son Zodiac un grand film d'investigation dans la lignée des Hommes du Président pour le côté journalistique qui est parfaitement bien retranscrit dans le contexte des années 1970. Et notons également le formidable casting du film qui se compose de Jake Gyllenhaal dans un de ses meilleurs rôles au cinéma, celui du dessinateur Robert Graysmith obsédé par la traque du Zodiac, Mark Ruffalo est parfait dans le rôle de l'inspecteur du FBI David Toschi, Robert Downey Jr., lui, est toujours aussi charismatique et ce même dans le rôle d'un journaliste débauché, remarquez que les deux acteurs cités se retrouveront dans Avengers, respectivement dans les personnages d'Hulk et d'Iron Man. Ensuite les seconds rôles sont excellents comme Bryan Cox, Anthony Edwards et enfin John Carroll Lynch, dans le rôle du mystérieux Arthur Leigh Allen. On peut voir que David Fincher est, en plus d'être un génie de la mise en scène, un grand directeur d'acteurs. Accompagné d'une superbe bande-originale qui nous replonge dans l'ambiance des années 1970, Zodiac est donc l'une des plus grandes réussites de David Fincher qui signe un grand film d'investigation, noir, brillant et angoissant comme il en a le secret. En un mot : monumental.