"La doublure" est une nouvelle comédie de Francis Veber. Et qui dit Francis Veber dit dans l'histoire… un boulet. Le plus souvent, il s’appelle François Pignon. Vu le nombre de fois que ce nom est apparu dans ses comédies, on pourrait penser qu’il est usé, qu’il n’y a plus grand-chose à exploiter. C’est mal connaître Francis Veber, décidément plein de ressources. Pignon est pourtant une personne anonyme comme il y en a tant d’autres, qui ne demande rien à personne et qui n’a d’autre volonté que de vivre une vie des plus normales. Mais ce qui le caractérise, c’est que tout peut lui arriver. Certes le personnage fétiche du scénariste-réalisateur a beau se nommer François Pignon presque à tous les coups, ce n’est pas systématiquement le même gars que nous retrouvons. Aussi, le voir incarné par des comédiens différents à chacune de ses sorties n’est pas dérangeant en soi. Sauf qu'ici, il n'est pas si boulet que ça, juste un peu naïf, sans vraiment l'être, et c’est Gad Elmaleh qui s’y est collé, loin de l’humoriste que nous connaissons. Il a su faire preuve de sobriété pour un rôle sage, ce qui représente en soi un petit tour de force. Et pourtant, il y avait de quoi se laisser aller face à un casting plus énorme que jamais dans un film veberien : il fallait exister face à Dany Boon, Daniel Auteuil, Richard Berry, Kristin Scott Thomas, Alice Taglioni, Virginie Ledoyen, avec les participations de Michel Aumont, Laurent Gamelon, Michel Jonasz, Philippe Magnan, Michèle Garcia et Patrick Mille. La distribution répond à une parité assez inédite chez le réalisateur, pour répondre à une parité dans la présence des hommes et des femmes. Ceci est une première, alors que Francis Veber se concentrait jusqu’alors sur les duos qu’il avait mis en place. Cela a pour avantage d’apporter au spectateur un peu de changement, pour une gentille comédie paradoxalement plus grinçante que jamais. Au cours de ce scénario, Francis Veber replace les choses à leur vraie place, en rendant aux sentiments la place qui leur revient, tout en pointant du doigt ceux qui pensent tout acheter à grands coups d’argent. Une fois n’est pas coutume, il faudra passer sur la crédibilité de l’histoire. Cela sera nécessaire pour apprécier à leur juste valeur les situations aussi improbables que rocambolesques.
En effet, qui peut croire que la plus célèbre des top-modèles va vivre dans un petit appartement quelconque chez un gars lambda qu’elle ne connait ni d’Eve ni d’Adam ?
Mais cette situation improbable sert le discours du scénario. Soyons clair, cette nouvelle comédie n’est définitivement pas la meilleure de Francis Veber. Tout simplement parce qu’on sent que le propos aurait pu enfoncer un peu plus le clou de temps à autres pour faire monter d’un cran le ridicule de la situation. Et puis surtout, le spectateur ne sera pas gratifié de dialogues mémorables, par une absence totale de répliques cultes. Cependant, quelques répliques savoureuses comblent difficilement ce déficit, notamment lors des échanges entre Dany Boon et Gad Elmaleh. Pour autant, les deux humoristes ne tombent jamais dans l’excès. Le spectateur assistera à quelques répliques cinglantes de la part de Daniel Auteuil, notamment envers son avocat. Si ce dernier est surprenant en étant fielleux à souhait, Richard Berry est savoureux dans son rôle d’avocat véreux sûr de sa science. Alice Taglioni est agréable à regarder, mais de là à se figer pour la contempler comme le fait l’ensemble du personnel du restaurant, il ne faut pas exagérer non plus. Qu’importe, elle apporte de la fraîcheur et redore le blason des mannequins en campant un personnage qui ne pète pas plus haut que son cul. Il est d’ailleurs heureux que la top-modèle n’ait pas oublié d’où elle venait, car c’est ce qui crédibilise quand même un peu la situation tordue imaginée et mise en place par cet homme d’affaire milliardaire finalement haïssable et cet avocat pourri que le spectateur ne parviendra pas à détester. En revanche, quelle superbe tête à claques que Patrick Mille en un Pascal totalement imbu de sa personne ! J’aurai aimé un peu plus de cabotinages de la part de Kristin Scott Thomas, mais il faut croire que le rang de son personnage en tant que femme d’un milliardaire qui détient la majeure partie du capital ne laissait guère la place à ce genre d’exercice : la classe doit passer avant tout. Comme à son habitude, Francis Veber a maîtrisé le rythme, rendant sa comédie plaisante à suivre malgré le fait qu’on ait vu mieux. De quoi passer malgré tout un bon petit moment de détente sans chichi en famille. N’est-ce pas là le principal ? Surtout si on aime les propos dénonciateurs...