Serge Bilé raconte : "J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, dans cette Europe où beaucoup de Noirs sont amenés à vivre parce qu'ils sont nés là ou parce qu'ils ont choisi de s'y installer définitivement, qu'ils sont de plus en plus nombreux à rechercher des repères ici même et pas ailleurs. Ils ont envie et besoin de savoir ce que les leurs ont accompli dans cette histoire de France, de Suisse, d'Allemagne, d'Espagne et plus généralement d'Europe. Ils le manifestent sur tous les sujets, et c'est ce qui explique le regain d'intérêt pour mon travail. J'ai fait ce documentaire il y a 10 ans, et pendant dix ans il n'a intéressé personne. Aujourd'hui, je vois vraiment la différence. Et c'est pareil pour mon livre. Comme quoi, lorsqu'une communauté se passionne pour sa propre histoire, il arrive à faire en sorte que les autres s'y intéressent aussi."
Le réalisateur Serge Bilé explique qu'il a été très difficile de recueuillir des témoignages : "Les Noirs qui ont vécu cette déportation n'en n'ont jamais parlé. Les autres, non plus. J'ai beaucoup tâtonné, interrogé beaucoup de déportés en France, au Sénégal, en Belgique, en Espagne, en Allemagne... pour finir par recueillir quelques témoignages ici et là. [et pourtant les déportés] étaient tous très enthousiastes. Ils attendaient tous, en fait, depuis la fin de la guerre, ce moment-là pour libérer une parole que personne ne voulait entendre. "
Quand on demande au réalisateur d'expliquer comment cette partie de l'histoire a pu être oubliée, il répond : "C'est une autre question que le public africain et antillais me pose tout le temps quand je participe à des débats avec toujours cette arrière-pensée qu'on a voulu nous cacher quelque chose. Moi ce que je pense, c'est que l'histoire est toujours écrite par le vainqueur, et le vainqueur ne s'intéresse qu'à sa propre souffrance, pas à celle des autres. Il nous appartient donc, à nous, Africains et Antillais, de prendre les choses à bras le corps et de rétablir les faits. Il faut qu'on arrête nous même de croire que notre histoire est moins importante que celle des autres. Je regrette que peu de tirailleurs sénégalais aient raconté ce qu'ils ont vécu. Je regrette que les déportés noirs se soient également tus après guerre. Je regrette aussi que nos historiens n'aient pas exploré cette voie. Moi, au lieu de m'en prendre aux autres, je nous renvoie plutôt la balle. "
Suite à la réalisation de Noirs dans les camps nazis, Serge Bilé écrit un livre au titre éponyme publié aux Editions du Serpent à Plumes en janvier 2005. De Ardisson à Giesbert en passant par TF1 ou Canal Plus, l'ouvrage est salué par les médias télévisuels et la presse écrite.
Fait encore peu évoqué jusqu'à ce jour, la présence de noirs dans les camps nazis commence petit à petit à prendre place dans nos consciences. Notons par exemple que le chanteur John William, un rescapé des camps nazis, recevra d'ici mai 2005 la Légion d'Honneur des mains du président français, Jacques Chirac. Cette décoration lui sera remise "en l'honneur de tous les déportés africains et antillais" de la seconde guerre.