L'Illusionniste de Neil Burger a été présenté au public américain et aux professionnels en 2006, lors du Festival International du Film de Newport Beach, de Seattle et du Festival du Film de Maui.
Après Interview with the assassin, resté inédit en France, le réalisateur Neil Burger présente son deuxième long métrage avec L'Illusionniste. Pour l'occasion, il endosse à nouveau la double casquette de scénariste et réalisateur.
Le tournage de L'Illusionniste s'est déroulé en avril-mai 2005 en République Tchèque, à Prague et Tábor.
L'Illusionniste est l'adaptation de la nouvelle écrite par Steven Millhauser, Eisenheim The Illusionist. Cette oeuvre retrace la vie d'un magicien viennois utilisant sa magie afin de conquérir le coeur de la femme qu'il désire, mais qui est promise à un autre.
Lorsqu'il a découvert la nouvelle de Steven Millhauser, “Eisenheim l'Illusionniste”, le réalisateur Neil Burger s'est interrogé sur la capacité d'adaptation du roman sur grand écran : “Ce texte est un pur joyau, une merveille de lyrisme et de raffinement. Ses images et sa tonalité générale sont proches du cinéma, mais sa trame est d'une extrême minceur. Je n'ai pas tout de suite vu comment résoudre ce problème narratif.” Il s'est alors entretenu avec les producteurs Brian Koppelman et David Levien : “Je leur ai dit que je connaissais une nouvelle traitant de ce thème, que je rêvais depuis longtemps d'adapter. Ils ne me laissèrent pas finir ma phrase : “Ne serait-ce pas Eisenheim l'Illusionniste par hasard?” Ils connaissaient très bien ce récit... et étaient aussi perplexes que moi quant à sa transposition. Je me risquai alors à les bluffer, en prétendant avoir la solution. Koppelman et Levien décidèrent alors de prendre une option sur le texte de Millhauser.”
Afin d'harmoniser l'intrigue, le réalisateur a changé de narrateur par rapport au roman : “La grande question était : comment traiter cette énigme ambulante qu'est Eisenheim ? La solution : adopter le point de vue de l'inspecteur, ne montrer que ce qu'il a vu ou qui lui a été rapporté par l'un de ses agents, à partir de quoi il élabore sa propre légende de l'Illusionniste. Ce n'était pas l'approche la plus facile, mais elle avait l'avantage d'être cohérente.”
Le réalisateur s'est plongé dans une enquête très stricte sur la magie et le Vienne de la fin du 19ème siècle : “J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver sur les Habsbourg, la Sécession, les tours de magie, le monde dans lequel évoluaient les illusionnistes de l'époque. La plupart des numéros décrits dans le film s'inspirent de la réalité, de même que les personnages que j'ai inventés. J'ai tenu à ce que tout cela soit aussi véridique que possible, d'autant que l'histoire se plaît à brouiller les frontières entre illusion et réalité. Désirant conférer une touche surréaliste, onirique, fantastique à certaines scènes, je tenais à ancrer solidement le film dans son époque.”
Neil Burger explique : “Je tenais effectivement à montrer les réalités de l'époque, mais sans en être esclave. L'Illusionniste n'est pas une étude de moeurs ou une peinture des us et coutumes viennois de la fin du 19ème siècle, mais une exploration de ces thèmes intemporels que sont le pouvoir, la perception, la vérité et l'illusion.”
Le cinéaste explique les raisons qui l'ont poussé à choisir Edward Norton pour le rôle principal, celui de l'Illusionniste : “Lorsque j'écris, je ne me soucie généralement pas du casting. Je savais, dans ce cas précis, qu'il me fallait un acteur capable d'incarner à la fois le mystère et la dimension romantique d'Eisenheim. Edward Norton exerce son métier avec la même intelligence, la même passion que l'Illusionniste. Il en a le charisme et les appétits. On ne l'a pas souvent vu dans des rôles romantiques, et jamais dans un film d'époque. J'ai eu envie de lui proposer cet emploi inédit, qu'il ne manquerait pas d'aborder sous un angle personnel. Le choix, de toute manière, était aisé : je savais qu'Edward serait bon – il l'est toujours !”
Selon Neil Burger, “ Edward Norton s'est totalement investi dans ce rôle et s'est lancé dans l'étude de la magie et des pratiques illusionnistes de l'époque, qu'il a reproduites à l'identique. C'est vraiment lui qui interprète tous les numéros que vous voyez à l'écran.”
Edward Norton dévoile les motivations qui l'ont poussé à accepter ce film : “Beaucoup d'éléments m'attiraient dans cette histoire intensément romantique, à commencer par le caractère énigmatique, ténébreux de ce grand homme de spectacle. Dans le privé, Eisenheim est un personnage impénétrable. C'est sur scène qu'il prend vie et irradie cette présence étonnante. J'ai trouvé le contraste intéressant. Par ailleurs, je suis fan de magie, et je me faisais un plaisir d'apprendre toutes sortes d'astuces. Enfin, L'Illusionniste est une histoire d'amour, et aucun de mes films précédents ne se rattachait directement à ce genre. Eisenheim, tel le Fils Prodigue, s'est absenté durant une longue période, en quête de secrets et de savoirs, et est revenu nanti de pouvoirs et de dons incroyables. Pendant une bonne partie du film, le spectateur ignore qui il est, d'où il vient, ce qu'il a fait. J'aime particulièrement la façon dont il sera amené à se dévoiler.”
Edward Norton commente la relation qui unit son personnage avec celui interpété par Paul Giamatti, l'inspecteur Uhl : “L'inspecteur se flatte de garder son quant-à-soi et de ne jamais s'impliquer personnellement dans une enquête, mais, à la fin du film, Eisenheim triomphera de ses défenses et l'amènera à partager son point de vue. Les deux hommes se respectent mutuellement et ont même une certaine complicité, liée à une communauté d'origines. Ils voudraient éviter d'être ennemis, mais y seront contraints.”
Le cinéaste s'exprime à propos du choix de Paul Giamatti pour le rôle de l'inspecteur Uhl : “Je voulais, pour ce policier, un interprète légèrement décalé et inattendu. Il m'a semblé que Paul Giamatti offrirait une lecture originale d'un personnage qu'on a souvent vu à l'écran. Il n'avait jamais tenu un tel rôle, mais la force placide qu'il dégage convenait au rôle. L'inspecteur Uhl a une bonne âme, passablement usée par des années de compromissions et de décadence. Il n'était pas besoin de s'étendre longuement sur sa personnalité : l'expression de Paul nous dit tout sur ses conflits et ses tourments.”
Edward Norton et Paul Giamatti ont tous les deux étudiés à l'Université de Yale. Norton se souvient : “Paul a toujours été l'un de mes acteurs favoris. À Yale, où je le suivais d'une année, il nous étonnait déjà en jouant des personnages bien plus âgés. C'est un intellectuel passionné, débordant de vitalité, dont je n'oublierai jamais la prestation dans Vol au-dessus d'un nid de coucou. Je retrouve cette même qualité dans son inspecteur.”
Selon le réalisateur, “Le film repose essentiellement sur l'antagonisme du Prince Leopold et de l'Illusionniste, lesquels s'efforcent tous deux d'exploiter l'inspecteur Uhl à des fins personnelles. Leopold est un rationaliste pur et dur, allergique à toute forme de superstition ou de magie. C'est un adversaire redoutable pour Eisenheim, tant par son intelligence que par sa cruauté.”
L'acteur qui intreprète le Prince Leopold, Rufus Sewell, revient sur son personnage : “Aux yeux de Leopold, Eisenheim personnifie tout ce que le vieux monde devrait laisser derrière lui pour entrer dans la modernité. Quant à la famille royale, figée dans ses habitudes et incapable d'évoluer, elle semble vouée à s'éteindre, comme les dinosaures. Mais le plus grave, pour Leopold, c'est la popularité croissante que l'Illusionniste est en train d'acquérir au détriment de la sienne propre. Plus Eisenheim devient influent, plus le Prince voit son pouvoir se réduire.”
Le rôle féminin est joué par la jeune actrice Jessica Biel, qui interpète le personnage de Sophie. Neil Burger affirme à son sujet : “Jessica possède une beauté intemporelle, mais le plus important c'est qu'elle est prête en tant qu'actrice à toutes les aventures. J'ai vu en Sophie une jeune femme qui a reçu une éducation très stricte et qui évolue dans un monde extrêmement raffiné dont elle aspire à s'échapper à la première occasion.”. Le producteur Michael London complète : “Le premier essai que Jessica a passé avec Edward a eu lieu un samedi soir, à Los Angeles. Nous étions tous épuisés, anxieux à l'idée de n'avoir pas encore trouvé notre jeune première, lorsqu'elle entra dans le bureau, vêtue d'une superbe robe d'époque de couleur crème. On aurait dit qu'elle sortait d'un tableau ancien. Balayant d'un coup nos préjugés, elle a révélé des dons, une persistance et une passion qui faisaient d'elle l'interprète idéale de ce rôle.”
Afin de restituer au mieux l'esthétique de Vienne dans les années 1900, les producteurs ont choisi la ville qui s'en rapproche le plus de nos jours, Prague. Le cinéaste Neil Burger le confirme : “On ne peut rêver mieux. La plupart des rues sont encore pavées et éclairées au gaz. La ville et ses environs regorgent de décors exceptionnels, comme cette résidence de l'Archiduc Ferdinand où nous avons tourné les scènes du pavillon de chasse.”. Le producteur Bob Yari complète : “À Prague, des siècles d'histoire vous contemplent à chaque coin de rue. Un choix de décors judicieux nous a permis de recréer une ambiance 1900 féerique et ténébreuse, où les apparences, comme dans un numéro de magie, se révèlent fréquemment trompeuses.”
Le film baigne dans une atmosphère très spécifique, qui a été souhaitée par le réalisateur : " J'aurais volontiers tourné ce film avec une caméra à manivelle! C'est en tout cas le genre de feeling que je visais pour entraîner le spectateur dans un monde de rêve et de mystère. Tout ce qu'on voit à l'écran est réel, identifiable, mais légèrement magnifié, paré d'une beauté dérangeante et un rien sinistre. En matière de couleur, ma principale référence fut ce vieux procédé : l'autochrome, qui se caractérise par une palette originale, d'une grande délicatesse. ". Le directeur de la photographie, Dick Pope, complète : “ce choix a eu une incidence directe sur les décors et costumes, du fait que nous travaillions essentiellement sur des nuances de jaune et de vert.”
Un conseiller technique a été nécessaire avant et pendant le tournage pour les tours de magie. Cette tâche a été attribuée à James Freedman, membre du très exclusif Magic Circle et inégalable " pickpocket de scène ". Il explique l'origine d'un des tours de magie du film : “L'un des numéros présentés dans le film s'inspire du légendaire Jean Eugène Robert-Houdin, père de la magie moderne. Après avoir emprunté son mouchoir à une spectatrice, Robert-Houdin l'escamotait et faisait surgir un oranger en fleurs, d'où deux papillons s'envolaient, emportant dans les airs le fameux mouchoir. L'effet était spectaculaire ! La version que nous en présentons va encore plus loin, et frise même l'impossible. Mais n'est-ce pas le propre d'un bon tour de magie?”
Neil Burger commente : “En cours de tournage, nous avons tous été captivés par ces numéros. Durant la première semaine, nous avons assisté avec quelque 350 figurants costumés à un tour d' Edward , qui nous bluffa tous autant que nous étions. Ce n'était pas un simple coup de chance, car une semaine, plus tard, il réussit, pour notre plus grand plaisir, à faire surgir du néant un objet. Même Jessica et Rufus sont allés le voir à la fin de ce numéro pour connaître son secret ! Il y a encore et toujours en nous le désir de croire en la magie ; c'est cela qui lui confère ce pouvoir et cette séduction si rares.”