Eros + Massacre, c'est d'abord une hymne à la mort, et ensuite une leçon pour maltraiter le spectateur de cinéma. Certains aiment être confortés par des films convenables et convenus, d'autres chercheront automatiquement le renouvellement sensationnel dans les films. Eros + Massacre répond à ce critère et sort de tous les contextes proposés : le long-métrage de Yoshida n'est comparable à rien de ce qui a pu être vu auparavant (et certainement pas à la nouvelle vague française, beaucoup plus sobre finalement, moins poussée et moins engagée). Alors, oui, le film est très long ; oui, c'est assez difficile de suivre le propos de bout en bout, notamment avec ce montage parallèle constant et ces inter-relations entre les narrateurs et l'intrigue narrée, mais on s'y fait, et un film, ce n'est pas qu'une histoire, c'est une ambiance, c'est un provocateur d'émotions. Et c'est en ça qu'Eros + Massacre est sublime, dans le sens ou personne ne peut rester insensible à des cadrages soignés mais décadrés qui laissent apparaître le plus souvent uniquement les têtes des personnages, à ces lumières qui font croire parfois que le film est en noir et blanc sans nuances de gris, et à ces dialogues qui ne s'arrêtent pas et qui sortent du langage courant pour que la profondeur de ceux-ci nous détachent totalement des personnages. Cette distanciation est unique, car les propos tenus sont carrément philosophiques, à la limite de l'abstraction, et prononcés si naturellement par des acteurs si sobres qu'on finit par en être retournés et à ne plus savoir qu'en penser. C'est aussi par le fait que les deux diégèses s'entremêlent que le malaise apparaît. Quand deux époques distinctes se rejoignent dans un contexte tout autre, on ne sait plus qui sert à quoi, et pourquoi font-ils ce qu'ils font. Alors, les habitués des films formatés, avec une intrigue linéaire absolument bancale, ne trouveront certes, pas leur compte : mais doté d'un cerveau et d'une paire d'yeux, on est sous le choc.