Le film dont tout le monde parle en ce moment. On en est presqu’à évoquer un phénomène, vu la puissance assez incroyable du buzz qui entoure ces Intouchables (et on ne parle même pas du taux faramineux de remplissage de salles). Pourtant au départ, tout cela fleure franchement le déjà vu : des antagonismes énormes entre un riche handicapé surcultivé et une bonne vieille racaille de banlieue Parisienne, qui après quelques gros gags vont se découvrir s’apprécier, se quitter, et finalement connaître l’expérience de leur vie. Et le gros tampon « histoire vécue » qui clôture le générique ne fait rien pour arranger les choses.
Et ce n’est donc pas un mince exploit que de se sortir d’un pitch aussi convenu, et potentiellement bien lourd pour en faire un objet aussi drôle et léger. La grande qualité du film, c’est son ton assez peu sérieux, et plus propice à la déconne qu’à l’apitoiement sur soi. Le canevas est prévisible, mais pourtant, les plats passent avec une facilité déconcertante. Le riche handicapé n'est pas un joyeux luron, mais c’est aussi un grand cynique, un original et il a le gout du risque. Le banlieusard est un branleur, évidemment, mais c’est aussi une grande gueule qui vient positivement secouer tout le monde dans une grande baraque un peu endormie.
Au-delà des différences de langage et des quiproquos qui naissent des écarts socio culturels, le film parvient toujours à s’en sortir grâce à des dialogues vifs et très bien écrits (on rit beaucoup) et surtout la présence incroyable de ses deux acteurs principaux, qui réussissent chacun un petit exploit. Cluzet, celui d’être crédible dans un rôle à la Rain Man peu évident. Et Omar Sy celui de toujours jouer avec les limites de la caricature, sans jamais tomber dedans. Un bon esprit, des vannes qui cartonnent, un soupçon (mais alors vraiment un soupçon) de politiquement incorrect : pas étonnant que le film ratisse large. Comment ne pas s’attacher à ce gros nounours imprévisible, gentil comme tout et à l’humour détonnant ? Même quand il tombe dans la facilité en allumant gratuitement l’opéra et l’art contemporain (ce qui a –c’était prévisible- fait hurler les Inrockuptibles)
Si le récit de la vie de château est vraiment une grande réussite, si même les passages un peu obligés côté banlieue sont plutôt finement amenés, on pourra être un peu plus circonspects sur les sorties plein air et l’épilogue, pour le coup plus convenus et totalement prévisibles (on voit venir la fin à trente kilomètres). Passé ces quelques réserves, ces Intouchables restent hautement recommandables, et tapent beaucoup plus haut que la moyenne des comédies sorties cette année sur nos écrans.