Que de frustrations se sont accumulées autour de ce blockbuster entièrement consacré à l’un des plus célèbres héros DC avec Batman et Superman, déjà étrenné dans ‘Justice league’ et sujet de quelques caméo dans d’autres films et séries, et ces frustrations sont non seulement celles du spectateur mais sans doute aussi celles des acteurs, des scénaristes, du réalisateur et des producteurs. En restant dans l’échelle qualitative propre aux blockbusters à super héros, ‘The Flash’ est clairement un grand film, non pas raté mais charcuté, mutilé, estropié. Il est vrai qu’en plus de dix ans de développements, pas moins de 45 personnes se seraient succédées au poste de scénariste, à tel point que c’est un vrai miracle que le scénario tienne encore à peu près debout. A l’instar de la tendance lourde qui règne désormais chez Marvel, ‘The Flash’ utilise le prétexte du multivers pour justifier à l’avance tout dérapage scénaristique : en tout état de cause, s’il est préférable d’accepter tels quels les éléments et les péripéties qui naissent de l’apparition de futurs et de passés alternatifs plutôt que de les soumettre à l’épreuve de la logique, le résultat n’est pas foncièrement moins bordélique que dans le récent ‘Spiderman : No way home’, énorme succès commercial du concurrent, d’autant plus que ‘The Flash’ a le bon goût de conserver en toutes circonstances un ton globalement léger : quitte à traiter le spectateur comme un môme qui avalera n’importe quoi sans se poser de questions, autant le faire avec le sourire. D’autre part, si les références à la chronologie de l’univers DC au cinéma (qui s’étendent bien au-delà du DCU, d’ailleurs) étaient prévisibles, elles suscitent l’effet attendu, le petit frisson facile qu’on éprouve à revisiter les scènes-clés et les instants T de blockbusters du temps passé. Visuellement, le film accuse aussi de nombreuses imperfections, qu’il faut sans doute mettre aussi sur le compte de son développement chaotique : alors qu’il se montre généreux en séquences monumentales, ses effets numériques s’avèrent curieusement ratés une fois sur deux, ce qui est indigne d’une superproduction de cette ampleur…et pourtant, le film ménage, ici et là, sans même s’en douter, quelques unes de ces séquences et visions d’anthologie, originales, délirantes ou parfaitement millimétrées, qui font presque systématiquement défaut aux blockbusters DC alors qu’elles parviennent souvent à sauver la mise aux Marvel les plus foireux. Boiteux, bancal et inégal, ‘The Flash’ n’en reste pas moins un film attachant, au point qu’il est l’une des rares tentatives DC récentes à pouvoir tenir son rang en tant que superproduction superhéroïque. Ironie du sort, c’est justement alors qu’un produit DC semble témoigner d’une recette enfin maîtrisée et d’un rythme de croisière enfin atteint, que le constat d’échec global a poussé Warner à oblitérer intégralement le DCU et à confier à James Gunn le soin de tout reprendre à zéro.