Mme Bennet (Brenda Blethyn, la Cynthia de «Vérités et Mensonges») règne en mère-poule sur sa basse-cour de cinq filles, quatre dindes et un cygne… Sa préoccupation essentielle, et celle de quatre demoiselles Bennet, consiste à réussir à leur trouver un mari. M. Bennet, patriarche bougon et désinvolte, est lui plus préoccupé par l’état de son cheptel. La cinquième fille, Elizabeth, adore sillonner les paysages de la campagne anglaise de cette fin du XVIII° siècle. Elle a son franc-parler, et jette un regard à la fois amusé et réprobateur sur les savantes manoeuvres de sa mère.
Alors, quand M. Bingley et ses 5 000 livres de rentes annuelles vient prendre villégiature à proximité, Mme Bennet déploie tous ses talents pour précipiter sa fille aînée dans ses bras, avec d’abord un certain succès. Elizabeth, elle, s’intéresse à M. Darcy, l’ami de M. Bingley. Pourtant, lui est aussi réservé et rigide qu’elle est vive et directe, et leurs premières rencontres ne font que mettre en évidence ce qui les oppose, la sœur de M. Bingley (Kelly Reilly, garce à souhait) oeuvrant particulièrement dans ce sens. Commence alors un chassé-croisé entre eux deux, sur fond de préjugés de classe et de malentendus, d’élans et de retraits, d’impulsion et de regrets…
Adaptation du roman de Jane Austen, «Orgueil et Préjugés» est une réussite. Par la qualité de sa réalisation tout d’abord. Pour un premier film, Joe Wright fait preuve d’une maîtrise technique, qu’il met au service de la narration. Le plan-séquence d’ouverture, qui suit Elizabeth au travers des entrelacs de la maison nous annonce la complexité des intrigues matrimoniales et le colin-maillard sentimental des deux héros.
Ou encore la scène du premier bal, filmé avec des longues focales, isolant brièvement tel ou tel personnage dans la foule et jouant brillamment de la profondeur de champ. Wright a déjà compris ce qu’est le cinéma : raconter autant avec ce qui est donné à voir qu’avec ce qui est donné à entendre. Par le soin apporté au contenu de l’image : on évolue au milieu de tableaux de Constable ou de Gainsborough, avec une précision de la reconstitution proche du modèle en la matière, «Barry Lyndon». Par la qualité de la distribution : Judi Dench (Madame Henderson) en Duchesse hautaine et tyrannique, Donald Sutherland en patriarche bienveillant, Tom Hollander, cousin britannique de Maurice Barthélémy, en clergyman ridicule venu illustrer la pensée de Jane Austen : «Pourquoi sommes-nous au monde, sinon pour amuser nos voisins et rire d'eux à notre tour ?»
Certes, Matthew MacFadyen campe un Darcy un peu transparent, plus à l’aise dans la morgue que dans les élans du cœur. Mais le film repose sur les (frêles) épaules de Keira Knightley, présente dans presque toutes les scènes. La jeune actrice anglaise, révélée par son rôle de Jules dans «Joue-la comme Beckham», apporte son inépuisable énergie, incarnant à la perfection ce mélange de droiture et d’impertinence qui caractérise son personnage. A l'image d'une Julia Roberts, elle éclabousse le film de son rire mutin. Puisse ce rôle lui ouvrir un autre répertoire que celui où elle a été jusqu'à présent cantonnée...
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