Une adaptation actualisée, épurée et réussie du classique de Molière par le célèbre scénariste Carl Mayer («Le Cabinet du Docteur Caligari», «L'Aurore»,...), et retouchée par Murnau. Il faut dire, comme de nombreux critiques l'on noté à sa sortie, que la présente version de «Tartuffe» est librement inspirée de Molière et s'en éloigne quelque peu, surtout par l'interprétation « typiquement germanique » (dans son excès) de l'excellent Emil Jannings et les thématiques que le cinéaste allemand a voulu développer. Passons l'étude de l'aspect formel, inventif et moderne, remarquable comme tout film de Murnau qui se respecte, intelligente mise en abyme du cinéma. Intéressons nous plutôt aux thèmes abordés et chers à Murnau. Tout d'abord il s'agit d'un film anticlérical : Tartuffe, hypocrite et faux dévot qui s'en prend aux gens crédules et rongés par la culpabilité, n'y va pas par 4 chemins pour dépouiller ses victimes de leurs biens sous couvert de rigueur religieuse, et offre ainsi un tableau peu reluisant de l'Eglise d'alors. La pièce de Molière, elle-même anticléricale, avait déjà été partiellement censurée ; ce fut la même chose avec le long métrage de Murnau, surtout lors de sa diffusion aux Etats-Unis. La raison de cette aversion de Murnau envers le clergé viens principalement de son homosexualité, fortement réprouvée par la société de son temps. Ensuite, logiquement, il est question de désir sexuel contrarié. La figure du Tartuffe, personnification de l'homme d'église, s'imisce dans le couple jadis aimant pour profiter de la fortune de l'un et abuser de l'amour de l'autre. Là aussi, l'audace de Murnau n'a pas échappé aux ciseaux des censeurs. Enfin, et c'est peut-être l'élément le plus troublant, la partie contemporaine s'achève sur cette question au spectateur : « Et toi, sais-tu donc qui est assis à tes côtés? ». Simple conseil avisé? Mise en garde contre la montée du nazisme? Une chose est sûre, «Tartuffe» est toujours aussi pertinent plus de 80 ans après sa sortie. [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/