Difficile pour moi d'être objectif en parlant de Rob Zombie, tant il représente pour moi un Artiste Accompli avec deux grands A : designer cool, musicien jouissif et cinéaste complètement barré, le gaillard a le mérite de se débrouiller et d'imposer sa patte si particulière dans tous les domaines qu'il touche. Avec The Devil's Rejects, je pense qu'on atteint le niveau de chef-d’œuvre du genre dans la filmo' de Zombie, et c'est presque désolant quand on compare au dispensable Halloween sorti peu de temps après, et sa suite encore plus dispensable qui suivit. Nous avons affaire ici à une suite qui prend un tournant radicalement différent de La Maison des 1000 Morts, premier long-métrage du réalisateur, et série B rigolote sans transcender ni renouveler le genre (ce qui n'était visiblement pas son intention, de toute façon).
Avec ce nouvel opus relatant les joyeuses tribulations des Firefly, c'est la claque. Exit la série B qui parodie ses modèles en se parant d'un second degré évident dans son ampleur dramatique comme dans ses effets spéciaux, et en recyclant agréablement les néons de toutes les couleurs que Zombie utilisait dans ses clips musicaux. Dans The Devil's Rejects, c'est crade, ça suinte, ça pue, c'est violent, très violent, et malsain. Ce changement de ton traduit un véritable désir de créer un road-movie réaliste, à la fois sauvage et horrifique, une œuvre sans concession qui dépeint une violence plus étouffante que ludique. Après tout, rares sont les films qui nous font suivre une bande de salopards finis dans leurs œuvres, aux prises avec d'autres salopards du même acabit (et ce même chez Tarantino).
Ce parti pris en rebutera plus d'un, et restreint donc fortement l'accès à ce film. Contre toute attente, Rob Zombie parvient tout de même à tirer de son public une certaine empathie envers ses héros de l'enfer, au fil de leur quête sanglante. On a beau assister à un spectacle horrifique et avoir envie de les tuer du début à la fin, les rares mais efficaces moments d'humanité que le réalisateur insuffle à ses personnages parviennent à accrocher le spectateur. On peut également compter, pour détendre un peu l'atmosphère, sur un humour timide et justement dosé à travers des dialogues piquants taillés à la hache.
Imprévisible et nerveux, The Devil's Rejects nous offre une belle galerie de "gueules" qui viennent épauler nos déjà-forts-en-gueule Otis, Baby (le joli bout d'épouse de Rob Zombie) et Capitaine Spaulding, campés par des acteurs référentiels à eux tous seuls : Ken Foree (Zombie), Danny Trejo (Machete), Michael Berryman (La Colline a des Yeux) et j'en passe... Les acteurs semblent tous très à l'aise dans la peau d'une ordure, tant ils sont convaincants dans leur jeu. Nombre de scènes font preuve d'un sadisme qui met fortement mal à l'aise, mais Rob Zombie ne nous livre pas simplement un film bourrin à la violence gratuite. Les enjeux sont bien présents, l'histoire surprend et évolue dans un rythme endiablé accompagné d'une bande son du tonnerre (glisser Free Bird des Lynyrd Skynyrd à la fin d'un film, c'est le summum du bon goût quand même). Je conseille aux curieux ce road-movie infernal qui ne laissera personne indifférent. Un de mes films favoris. J'espère que ce cher Rob reprendra du poil de la (super)bête dans ses prochaines œuvres.