Film à l’origine d’une déclinaison savoureuse du western-spaghetti, qui croise burlesque et buddy movie au service d’une exhibition de l’artificialité du genre, On l’Appelle Trinita consacre également le duo Terence Hill et Bud Spencer nouveau duo comique de référence, dans la lignée de Laurel & Hardy. L’un est vif et espiègle, cherche les ennuis et la bagarre, courtise volontiers les jolies filles ; l’autre est trapu et bourru, il assomme d’un coup de point sur le haut de la tête. En les voyant, nous pensons immédiatement à Astérix et Obélix qui auraient quitté leur Gaule pour venir en Amérique ; comme eux, ils sont héros et témoins d’un âge de fondation de la nation, comme eux ils se plaisent à se jouer de cette image d’Epinal en grossissant le trait, en forçant les situations, en dégonflant les enjeux dramatiques. Ce qui motive la protection du shérif Bambino, c’est un troupeau de chevaux qu’il ne pourra pourtant jamais faire sien ; or, cet échec final aura permis aux deux protagonistes principaux, ainsi qu’au spectateur, de rencontrer une galerie de personnages hauts en couleurs, stéréotypes de rôles traditionnellement représentés dans le western : le père de l’église mormone est dogmatique, le Mexicain est fourbe et alcoolique – « si t’es mexicain, t’as tort », indique Trinita –, le major cupide et cruel. Dans l’esprit du western-spaghetti, nos héros sont sales, ils rotent à table, portent des vêtements troués et percés de sueur ; leur mère est une prostituée, ce qui explique pourquoi ils ne sont que demi-frères… Le shérif fait dormir son fusil sur son lit et préfère se coucher par terre, il porte haut l’étoile malgré les malversations dans lesquelles il trempe. On l’Appelle Trinita dégrade tous les codes du western, gratte le vernis mythique d’une épopée nationale revisitée à la sauce italienne. « T’es pire que la vérole dans un couvent d’bonnes sœurs ». Le thème musical de Franco Micalizzi ne nous quitte pas. Un régal.