DIFFICILE de dire si « V pour Vendetta » est un BON FILM OU UN FILM EXÉCRABLE…
Du point de vue purement filmique l’histoire est prenante si l’on accepte les personnages trop stylisés façon BD (l’histoire conté en est inspirée…), les dialogues ampoulés et la prosodie monotone et bourrée de clichés du héros « V »…
L’image est belle, spectaculaire… Elle donne au film son ambiance crépusculaire. Les modulations rythmiques du montage sont habiles et tiennent le spectateur en haleine…
Et les lumières sont remarquables… C’est peut être de ce point de vue que le film est le plus innovant…
La bande son est superbe et sert même de leitmotiv… Par exemple les thèmes de Julie London et notamment « Cry me a river » reviennent dans les moments de stase romantique, et sortent d’un splendide jukebox…
Les acteurs sont splendides et, évidemment, ... Stephen Rea qui donne au personnage de l’inspecteur Eric Finch une ambiguïté qui soutient le film dans son entier…
Nathalie Portmann est bien entendu le centre "dynamique" de l’histoire… Belle, très belle… Son personnage, Evey, fait immanquablement penser à la petite fille de « Léon »…
Que dire d’Hugo Weaving qui interprète « V » ? Dans la version française la belle voix grave de Féodor Atkine est prenante… Et le masque est beau !
Les zeffés spécios font baver, les boum boum aussi!
L’ensemble ressort typiquement du BLOCKBUSTER américain par la forme spectaculaire, par le fond politique qui ressemble à une cartouche mouillée (v. plus bas), par les retombées extra-filmiques : les masques vendus en nombre aux « anonymous » ont rapportés de jolies sommes à la Warner !!!
Sur le fond.
Le film s’inspire d’un CHEF D’ŒUVRE ABSOLU DE LA BD, du comic « V pour Vendetta » d'Alan Moore et David Lloyd paru entre 1982 et 1990.
Mais le film diffère complètement de la BD en ce sens qu’il déplace les visées du pamphlet contre la dame de Fer en opposant symboliquement le système américain néo-conservateur contre le système américain libéral…
Du moins selon les dires de Moore !
D’ailleurs celui-ci refusa que son nom apparaisse au générique du film !
La BD ne choisi pas son parti. Elle oppose deux totalitarismes sans que le lecteur ne puisse se prendre d’empathie pour l’un ou l’autre…
Car le danger est là !
« V », dans le scénario des frères Wachowski, est un personnage qui requière la sympathie du spectateur… C’est un super héros du style Batman ou Superman…
« On comprend vite que « V » n’est qu’une victime devenue bourreau, un monstre combattant un monstre, une erreur qui ne fait pas partie de la solution mais du problème… »
Et c’est bien là le problème !
La sympathie que l’on porte à « V » en raison de l’origine de sa folie tend à nous faire accepter sa folie elle-même.
« V » et le totalitarisme du haut chancellier Adam Sutler sont liés de façon ambiguë mais ne laissent guère de choix au spectateur : le justicier c’est « V », le mal c’est Sutler…
Choisir entre la peste et le choléra ce n’est même pas possible…
On est porté à soutenir ici UNIQUEMENT la peste terroriste !
Pire !
De tout ce fatras bavard et flou rien ne ressort sur la problématique du réel : la FINANCE qui gouverne RÉELLEMENT notre monde… La philosophie du capitalisme libéral qui tue l’homme et sa planète…
L'idéologie est au centre des systèmes totalitaires.
Nous l’avons vu hier sur Arte qui diffusait « L’image manquante » de Rithy Panh à propos du régime meurtrier de Pol Pot (09/10/2013)…
Tout ce qui est contraire au dogme totalitaire tout ce qui en dévie est écarté, éliminé.
L'idéologie s'impose, cherche à remplacer le monde réel, quitte à le faire plier s'il lui résiste, ou à le nier carrément.
Sutler représente le totalitarisme fasciste, « V » le totalitarisme noir, ou rouge…Rien sur le totalitarisme actuel : le libéralisme capitaliste !
Passons !
L’ ambiguïté du film tient à sa nature même…
Un blockbuster n’est acceptable, financièrement parlant évidemment, que s’il ne dérange pas le système dominant.
« V pour Vendetta » est, à mon avis, exemplaire de cette censure qui ne porte pas son nom…
Pour terminer et illustrer mon propos, je donnerai un seul exemple : La scène des dominos.
On peut y voir soit la visualisation de la parfaite exécution du plan du héros… La petite goutte d’eau qui fait déborder le vase et conduit à une prise de conscience collective….
Mais voilà « V » place le premier domino et fait tomber le dernier resté debout !
Dimension manipulatrice de « V » qui positionne soigneusement ses pions…
Tous identiques tous sans identité comme les cambodgiens au temps de khmers rouges qui imposaient la même tenue noire à tous !
Or dans le film qui nous occupe le spectateur est comme galvanisé par l'énergie déployé par « V », soutenu par l’adhésion d’Ewey, embarqué par la puissance de la construction cinématographique.
C'est toute l’ambiguïté du film !
Et c’est aussi sa qualité puisqu’il nous oblige au moins à une réflexion sur le dogme et l’impérialisme idéologique…
UN FILM MOYEN MAIS UN FILM A RÉFLÉCHIR !