Dans un futur proche, l'Angleterre a sombrée dans un régime raciste et totalitaire... Le fascisme m'a personellement toujours fasciné (fascination doublée de répulsion et d'indignation, je vous rassure), et V pour Vendetta est particulièrement intéressant dans la mesure où il s'inspire de bout en bout du régime hitlérien et de la Shoah. Il parvient à créer une ambiance d'opression, d'injustice et de terreur causée par le fascisme, une atmosphère qui rend le film démeusurément palpitant et poignant de bout en bout. Autre atout majeur de ce film: V. Un personnage à la fois attachant et bouleversant aussi bien que révoltant et impénétrable, qui pose de manière brutale l'ambigüité de la frontière entre entre justicier et meurtrier, héros et terroriste; à la fois super héros de comics charismatique, vengeur impitoyable à la Edmond Dantès et héros tragique digne des plus grandes tragédies grecques, le protagoniste de ce film vous fera désormais éprouver une mystérieuse fascination pour la lettre V. Evey Hammond, très attachante, ne laisse pas indifférente non plus, pas plus que le sinistre Adam Suttler. Entre identification et répulsion, ce trio constitue un fil conducteur émotif d'une incroyable efficacité. Troisième immense atout du film: le scénario écrit par les frères Wackowski, scénaristes et réalisateurs de Matrix. Rarement scénario aura été aussi bien ficelé, aussi passionnant et surprenant que celui de V pour Vendetta. Suspense hors norme, coups de théâtre à couper le souffle et narration à la chronologie très riche grâce aux flash-backs et analepses, le film parvient à haper le spectateur dans une véritable apnée visuelle et sonore deux heures dix durant. Quant aux répliques, d'une élégance poétique et d'une profondeur bienvenue pour un tel sujet, elles sont irréprochables et parviennent à donner au film une ambiance psychologique formidable; outre l'anthologique allitération en V ou le discours révolutionnaire, on retiendra une bonne dizaine de citations désormais cultes ("remember, remember, the fifht of November"...). On appréciera également la réalisation de James McTeigue avec son esthétique de comics réussie, particulièrement belle lors des flash backs, en revanche quelque peu décevante lors des scènes d'action, très peu réalistes; quant à la musique de Dario Marianelli, on retiendra de grandes envolées épiques au violon ainsi que quelques belles mélodies au piano, qui ajoutent une beauté sonore à la beauté visuelle, lesquelles restent toutefois en deça du scénario et des personnages du film. Bref vous avez là le parfait blockbuster, divertissant sur la forme et profond dans le fond. La dimension politique du film ne peut laisser indifférent; les allusions au nazisme et à la Shoah ne sont pas innocentes: c'est notre monde qui est représenté dans l'univers totalitaire de V pour Vendetta. Le message politique osé, allant jusqu'à faire référence à la lutte des classes et à la théorie du complot, communique au spectateur une furieuse envie de sortir dans la rue pour crier Révolution et Fraternité. Ouvrons les yeux et combattons le génocide qui se prépare sous notre nez: la xénophobie, l'homophobie et l'islamophobie d'aujourd'hui équivalent à l'antisémitisme du début du XXème siècle! Et la peur déclenchée par la crise des années 30 est semblable en bien des points aux psychoses de nos jours liées à l'insécurité! Un film qui se sert donc des allusions à la Shoah pour dénoncer les dérives sociales d'aujourd'hui. Le personnage d'Adam Sutler rapelle à la fois Hitler et n'importe quel nationaliste européen ou américain d'aujourd'hui, et le parti du Feu Nordique est un amalgame habile entre doctrine néonazie et idéologie pro-américaine conservatrice. Au delà du politique, le message du film est terriblement humain et humaniste, délivrant une apologie incroyablement forte de la tolérance, du respect et de l'amour inconditionnel, qui culmine en une scène d'anthologie, subversive et belle à en pleurer. "Même si je n'ai jamais eu l'occasion de rire avec vous, de pleurer avec vous, ou de vous embrasser, je vous aime". L'origine même du Bien et du Mal, de l'amour et de la haine, du bonheur et du malheur, est contenue dans cette seule scène et surtout dans cette seule phrase (et dans son antithèse), autour de laquelle le film est basé. Aimer quelqu'un pour ce qu'il est, au delà de ses origines, de son apparence ou de ses attirances: y a-t-il une vérité plus forte? Un film à voir, donc, pour l'extraordinaire force de son message, qui fera tomber tous les préjugés des familles les plus conservatrices de France. Profond et bouleversant, désespéré et optimiste, épique et tragique, psychologique et philosophique... Seul point noir: une scène révoltante, extrêmement regrettable, qui salit la belle idéologie du film et freine quelque peu l'enthousiasme du spectateur devant un tel chef d'oeuvre. Une oeuvre unique au final, mêlant adaptation explosive de comics, contre-utopie engagée et histoire de vengeance hors norme.