...La dénonciation est claire. Mais le réalisateur joue habilement,vicieusement presque, avec les pantins qui s'agitent. Car il n'y a pas ici de camp des blancs contre celui des noirs. Nick est, pour la morale classique, un pur salaud, se moquant éperdument de la santé de ses concitoyens, du moment que ses traites sont payées à la fin du mois. En cela, il est parfaitement semblable à ses deux amis, avec lesquels il déjeune régulièrement : Bobby (David Koechner), défenseur du lobby des armes, et Polly Bailey (Maria Bello), qui travaille pour les producteurs d'alcool. La scène au cours de laquelle ils comparent le pouvoir mortifère de chacun de leurs outils, est particulièrement jouissive, tout en faisant froid dans le dos ! Mais les représentants du camp théorique des "purs" n'est pas, pour autant, épargné. Le Sénateur Ortolan (!) K. Finistirre (William H.Macy), est un redoutable imbécile, et le monde du journalisme, souvent ultime bastion de la blancheur Omo, utilise à son profit les propres armes de Nick...
A la sortie, un film dont la cible s'élargit au fur et à mesure que la narration se développe, dénonçant davantage la bassesse humaine en général, que la puissance criminelle des fabricants de tabac. La qualité des répliques et une inventivité manifeste dans la façon de conduire le récit, tiennent lieu de profondeur. Sans compter que la sympathie générée par le personnage central, désamorce en grande partie le pamphlet.
Reste une oeuvre souvent excitante, globalement évanescente, à l'image de la fumée des cigarettes, mise en scène avec une énergie et une originalité formelle indéniables, qui se moque, sans réelle agressivité, d'un mode de vie américain pathogène, qui contamine rapidement la planète. Deux répliques symbolisent le ton général. Bobby mange une sorte de chose jaunâtre dont ne voudrait pas un chien. Nick le regarde vaguement dégoûté : "C'est dégueulasse ?!". Bobby répond résigné : "C'est américain !"
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