Véritables montagnes russes cinématographiques, ce King of New-York fait cohabiter le grandiose et le ridicule, dans un mélange bâtard pas si éloigné de son propos, mais néanmoins complètement handicapant pour une oeuvre dont on doit supporter les séquences ratées pour pouvoir (un peu, et pas autant qu'elles le mériteraient) profiter des bonnes. Par passages, cela dit, le film flirte vraiment avec le génial. Cette ouverture, d'abord, longue, portée par un synthé planant et le regard de Christopher Walken, toujours si nébuleux qu'on croirait presque y voir un univers entier. Toujours aussi démoniaque qu'angélique, l'acteur avait de quoi placer ce long-métrage sur la dangereuse barrière de la fascination. La scène du métro, où Walken retrouve son avocate et amante le temps d'ébats hors du temps et du Monde, poursuivait cette sensation ténue et d'autant plus accaparante (car fragile et volatile) que tout était réuni pour faire de cette figure un véritable centre d'attraction, dans un New-York jusque là filmé comme un terrain de chasse autant que comme un piège. Puis rapidement, tout s'écroule dans un melting-pot complètement bancal, bien que toujours un rien fascinant, lors de l'apparition des hommes de main de Frank White, un gang de blacks gangstas ridicules amenés par un Lawrence Fishburne pire encore. De ce moment, et presque jusqu'à son épilogue, on se coltine alors un grand bazar où les personnages sont trop associés à un type identitaire (l'irlandais, le noir, le chinois, le latino) pour ne pas y voir quelque chose de volontaire. Là encore, il y avait quelque chose à creuser. Chris Walken avait déjà construit avec Max Zorin (le bad guy de Dangereusement Vôtre) et sa relation avec la féline May Day, un lien imaginaire très fort avec la communauté noire ; je vais encore devoir me préciser avant de paraître raciste, ce commentaire ne souhaite mettre personne dans une case, simplement signaler que l'origine artificielle du personnage (plus ou moins issu d'une expérience) alliée à la première JB girl noire de l'Histoire donnait au couple l'apparence de deux rejetés qui se trouvaient en marge du reste du Monde. Ce parrain blanc à l'entourage tout droit sorti du Bronx donnait fugacement la même impression de chercher loin des sentiers battus quelque chose perçu de lui seul, un mirage à sa seule portée. Creuser cette veine aurait pu donner au film des allures de pastiche du film de mafia, où toutes les divisons identitaires propres à la N-Y fictive qu'on connait par le biais du genre sont présentes mais parfois étonnamment mêlées et déformés, comme dans une dissonance géante. Tout ça n'est quand même pas une excuse pour la montagne de caricature qui fait petit à petit son nid, et le tapage incessant de fusillades trop longues et pas assez préservées pour moi, qui m'attendait à quelque chose de bien plus mythifié. De même, Ferrara, ici dans ce qu'on peut voir comme un diptyque sur la rédemption avant son très réussi Bad Lieutenant, exploite trop peu les facettes intimes de Frank White, qui croit qu'une seule idée juste l'absout de tout le reste, comme si pour éviter le purgatoire, le bien était une simple fin, et non un moyen dont on n'est jamais certain qu'il suffise. Mais les dialogues et la symbolique dont on pourvoit le parrain sont beaucoup trop limités pour laisser accès à la profondeur du personnage, pourtant très étudié par la caméra. Walken a beau exprimer avec son génie des émotions à vif, qui paraissent flotter à la surface de son visage comme des ondes sur une eau troublée, impossible de déchiffrer son jeu et d'y ancrer l'empathie nécessaire. Les deux tiers du milieu de King of New-York sont ainsi, truffés d'erreurs et de fautes de goût. L'épilogue, qui retourne au travail d'ambiance du début (très belle idée que cette confrontation dans le métro, qui rappelle comme en écho à l'ouverture que tout le long, seuls l'amour et la mort ont eu de l'importance), retrouve une certaine grâce mais désormais, il manque à cette conclusion le poids et la consistance que le reste du film ne lui ont pas donnés pour venir chercher plus profondément. Inachevé et inabouti, je préfère donc garder de King Of New-York l'image du film qu'il aurait pu être.