‘’Harry Potter et l’ordre du Phénix’’, sorti en 2007 voit arriver à sa tête David Yates, à l’heure actuelle le réalisateur ‘’officiel’’ de la franchise. Et cette arrivée est hélas une mauvaise nouvelle. Ce n’est pourtant pas ce que laisse présager le début du film car la scène d’ouverture a beaucoup d’impact sur le spectateur. Yates filme avec une rapidité nerveuse cette ouverture. Le soleil brille sur Privet Drive. Tout à coup, le ciel devient noir, comme si, soudainement, la fin du monde approchait. Puis Harry et Dudley dans un tunnel extrêmement glauque sont attaqués par des détraqueurs. L’apparition du logo de la Warner, avec sa sombre couleur bleue et ses inquiétants chuchotements l’annonçait : l’univers d’Harry n’est plus enfantin. Voldemort est de retour, l’obscurité va très vite gagner du terrain. La scène d’ouverture par son radicalisme montre d’emblée le ton. Une noirceur qui est aussi accompagnée de réalisme. Yates sera celui qui tentera d’apporter à la série une dimension plus terre-à-terre, moins enchantée. Mais qu’en est-il de la réalisation de ce volet. Disons le tout net : David Yates n’est pas un bon réalisateur. Excepté la scène d’ouverture, aucune idée de Yates n’est véritablement convaincante. En basculant dans un monde plus politique et plus réaliste, Yates supprime toute la magie que parvenait à insuffler Rowling au livre (on y reviendra plus tard avec des exemples concrets). Evidemment, de la magie, il y en a, des sorts, des créatures etc, etc. Mais on ne rêve plus comme avant (et même, on ne cauchemarde plus comme avant). Yates filme juste efficace, mais la majorité de ses plans est oubliable. Il est, il est vrai délicat de tracer une frontière entre réalisation et effet spéciaux. Mais ce sont bien deux domaines différents. Car si les effets spéciaux font le café (le duel Voldemort/ Dumbledore, en multipliant les prouesses visuelles, nous donne largement plus envie de voir un film sur ces deux hommes plutôt qu’un film sur Harry…), Yates, lui, ne fait rien de marquant. Au contraire d’un Cuaron qui ne se reposait pas uniquement sur la qualité des effets spéciaux. Yates filme ce qu’il y a à filmer, sans que sa caméra ne fasse ni ne réalise la moindre prouesse magique. Par exemple, pour les scènes de vision d’Harry, Yates a recours à un montage épileptique, quasi-clipesque et sans aucune once d’originalité. Mais le plus grave de l’ère Yates se situe au niveau de la colorimétrie des films. Au prétexte de faire plus noir, Yates et ses différents chefs-opérateurs optent pour une esthétique totalement uniforme, jouant ce qui est très limité sur une seule gamme de couleur. Ici, le directeur de la photo est Slawomir Idziak. Ce choix est représentatif du réalisme que travaille David Yates. Idziak était en effet le chef-op’ de la nouvelle vague polonaise et est habitué à travailler des teintes monocordes (pour ne pas dire très austères). Et si ce choix est idéal pour parler de la Pologne des années 80-90, pas sûr qu’il soit vraiment très heureux pour parler d’un autre monde que le nôtre. Un monde qui peut être sombre et noir mais un autre monde quand même. C’est bien simple, ‘’Harry Potter et l'ordre du Phénix’’ est le premier volet à ne plus présenter un environnement où on veut se rendre. A cause de cette photo outrancièrement bleutée (sérieusement, on a l’impression d’être devant des schtroumpfs avec les scènes qui se passent dans le bureau de Rogue et dans le département des mystères !), les décors de Stuart Craig n’ont plus le moindre attrait cinématographique. Oui, David Yates travaille le réalisme. Conséquence logique : l’univers est moins marquant cinématographiquement parlant. Ce 5ème volet est un plat plutôt fade. Même les sources de magie, entre les mains de Yates sont sans saveur : la salle sur demande est vide, les sombrals sont peu sinistres… Et encore, cela empirera avec l’épisode suivant. L’humour propre à la saga n’a pas encore totalement disparu : on sent malheureusement que David Yates n’a pas bu la même boisson que Mike Newell, son prédécesseur. Cette absence de saveur se situe aussi par rapport à la BO. Patrick Doyle est remplacé (ouf!) par le peu connu Nicholas Hooper. Et… rendez nous John Willams! La partition de Nicholas Hooper a le malheur d’être juste honnête. Et c’est tout. A part un où deux morceau bien vus (dont celui d’Ombrage), on nage dans une monotonie musicale, symbolique du peu d’attrait qu’offre ce film.
En tout cas, il y a dans cette entreprise cinématographique un vrai petit malin. Ce petit malin, c’est Steve Kloves. Le scénariste qui avait livré des adaptations pas forcément très convaincantes des tomes 3 et 4 décide de faire une pause et de ne pas être de la partie. Il choisit le bon moment car adapter ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’ (soit un bouquin de plus de 900 pages!) est un pari extrêmement ardu. Il est remplacé par le dénommé Michael Goldenberg. Et l’adaptation est sans surprise un échec. Déjà, il faut se rendre compte d’une évidence : le film souffre d’être vraiment trop court. Le tome 5 est le plus long de la série littéraire. Est-ce normal d’en tirer le film… le plus court de la série cinématographique ? Bien sûr que non ! Le film à force de n’aborder que superficiellement les thèmes du bouquin finit par ressembler davantage à un résumé qu’à une véritable adaptation. Le livre et le film se fondent sur deux axes : d’abord, ils abordent l’idée de résistance face à un pouvoir aveugle (le Ministère et Ombrage) et face aux forces des ténèbres (Voldemort et ses mangemorts). Sont mis en avant les deux institutions qui résistent à l’oppresseur : l’Ordre du Phénix et l’armée de Dumbledore. Ensuite, le livre et le film approfondissent l’étrange connexion et même la dualité entre Harry et Voldemort. A tel point qu’ Harry en venait à penser être contaminé par l’esprit de Voldemort. Mais voilà, le film ne conserve que l'ossature du livre. Sur la résistance, Goldenberg a mis en avant les agissements de l’AD et leur entraînement. Seulement voilà, le film se nomme ‘’Harry Potter et l’ordre du Phénix’’ et non ‘’Harry Potter et l’armée de Dumbledore’’. Et ça, Goldenberg semble l’avoir oublié. Qu’en est-il de l’ordre du Phénix ? Une seule scène, il n’y a au début du film qu’une pauvre scène pour nous expliquer qui ils sont. On entendra plus jamais les mots ‘’ordre du Phénix’’ pendant toute la suite du film (on le revoit simplement se battre en fin de film). De coup, on se retrouve devant un film au titre mensonger, qui ne fait que dans le superficiel. Pas dans le mauvais, juste dans le superficiel. Puis il y a les troublantes ressemblances entre Harry et Voldemort. Mais rebelote, cette fascinante dualité n’est pas vraiment creusée dans le film. Le peur, presque la honte de se faire souiller l’esprit par le plus grand mage noir de tous les temps hante Harry (lequel se fait, disons-le presque violer mentalement). Dans le film, la peur d’ Harry de se faire posséder par Voldemort est à peine effleurée. En fait, tout est là : tous les thèmes du livre sont à l’écran à peine traités. Par conséquent, le fait que rien ne soit véritablement traité en profondeur (en 2h03, c’est mission impossible) est source de clichés et de maladroites ellipses. De plus, si cela s’apparente à des diminutions, Goldenberg fait aussi de grosses coupes et va même jusqu’à charcuter le livre de Rowling. Certaines de ces coupes n’étaient pas nécessaires. Par exemple, Goldenberg coupe tout ce qui touche au quidditsh. Et pour une fois que le quidditsh dans le livre offre un intérêt scénaristique séduisant, il est regrettable de l’avoir supprimé. Car la dictature d’Ombrage en théorie doit s'instaurer dans toutes les activités de la vie d’Harry (
Harry était en effet renvoyé de l’équipe de quidditsh pour avoir tabassé avec George Weasley Malefoy
). Or, dans le film, Ombrage ne semble polluer la vie d’Harry qu’au niveau scolaire. Mais la coupe la plus scandaleuse, et même carrément honteuse, c’est celle où Harry et la famille Weasley se rendent à l’hôpital St-Mangouste pour voir Arthur Weasley. Quelle raison a pu pousser Michael Goldenberg à couper la scène la plus bouleversante (et en même temps insoutenable) du livre ?
Dans cette scène, nos héros croisaient Neville, lequel rendait visite à ses parents qui, rendus fous par les mangemorts, ne reconnaissaient plus leur fils. Pourquoi l’enlever ? Parce que on ne veut pas choquer le pov public ? Espérons que ce ne soit pas la raison… Voilà en plus d’être très forte, une scène qui aurait pu enrichir l’Ordre du Phénix. La scène montrait l’héroïsme de ses membres et montrait à quel point ces derniers étaient prêt à perdre la raison pour défendre leur cause.
Dans le film, on a une vague scène où Neville révèle à Harry le sort qu'a réservé Bellatrix Lestrange à ses parents. c'est expédié et abordé par-dessus la jambe. Mais bon, l’ordre du Phénix, on s’en fiche un peu, non ? C’est ce que devait pensait le scénariste… Même chose : les intensives révisions pour les BUSE, c’est négligeable non ? De toute façon, ça ne fait pas avancer l’intrigue… Donc, on va à peine l’effleurer et ce sera parfait ! Et bien non ! Evidemment qu’il fallait faire des sacrifices. Mais fallait-il autant massacrer le bouquin ? Pourquoi ne pas avoir rajouté au film une demi-heure en plus ? On aurait eu un film de 2h 33, ce qui pour un blockbuster, n’est pas non plus interminable.
Dernier point : la distribution. Pas grand-chose à dire de ce côté là. L’accumulation de personnages allant de pair avec l’affligeante diminution de la durée des films Harry Potter a forcément une conséquence logique et néfaste : on a pas le temps de développer les protagonistes ! Des nouveaux personnages, il y en a la pelle. Mais comme dans l’opus précédent, beaucoup ont trop peu de temps à l’écran ! Les seuls nouveaux un tant soit peu développés sont Luna Lovegood et Ombrage. Pour la première, le choix de casting est payant : la jeune Evanna Lynch en impose déjà plus que nos trois héros. C’était déjà le cas dans le livre : Luna était dans le tome 5 un sacré personnage haut en couleur (pour le coup, une vraie sorcière). Ensuite, il y a Imelda Staunton en Ombrage. Dans un premier temps, on peut être entièrement convaincu par son interprétation. En même temps, Ombrage est typiquement un rôle en or : donc, il convenait de ne pas le rater. Ce qui en soit n’était pas très compliqué, Ombrage étant déjà très caricaturale dans le livre. Pourtant, la Ombrage du livre alternait entre une petite bonne femme minaudante tout en rose et une véritable furie dangereuse. Et si le film retranscrit son goût pour le rose et sa cruauté, il manque à Imelda Staunton le caractère de fou furieux que peut revêtir par moment Ombrage (dans le livre, cela s’illustrait par les multiples confrontations entre Ombrage et McGonagall). Imelda Staunton ne ressemble pas en plus à un crapaud comme décrit dans le livre (mais bon à ce niveau là c’est du pinaillage). On a fait aussi grand bruit de la présence de Helena Bonham Carter. Et pourquoi ? Présente à tout casser dix minutes dans le film, elle en fait des méga-tonnes et rend outrancier un personnage (Bellatrix Lestrange) déjà bien chargé à la base. Non vraiment, plus la saga Harry Potter avance, moins les personnages sont mis en valeur.
‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’ marque les débuts de David Yates. Et si pour ce film, il n’est pas entièrement responsable de l’échec artistique (le pompon, c’est quand même le scénario!), il le sera complètement pour le prochain film. David Yates, rend le monde d’Harry Potter plus réaliste, mais aussi plus fade. Nous voici au début de la fin : désormais, il ne sera plus possible pour la franchise Harry Potter d’avoir à sa tête un réalisateur au style très prononcé. Les producteurs, trop contents d’avoir un yesman malléable et peu exigeant à leur disposition feront tout pour le maintenir en place. C’est chose faite : Yates semble accepter tout ce qu’on lui confie, esclave d’un gros studio (le genre de réal qui fait pour la Warner des Harry Potter… et un ‘’Tarzan’’ en 2016!). Triste fin pour cette franchise...