Le film démarre de manière déroutante, presqu’en dehors de la fiction. Ce personnage qui nous parle, à nous spectateur, qui se confie à nous, qui étale sur la table devant elle ses souvenirs, ses rencontres, comme des images figées, établit un lien intime et solide avec le spectateur et qui ne se déliera pas tout à fait au terme du film. Puis, après ce prologue à l’interactivité déroutante, elle devient notre guide, nous prenant par la main pour nous entraîner dans cette fiction qu’elle fait décoller comme une fusée, compte à rebours à l’appui. Liv Ullman, magnifique comme Marianne son personnage, reste alors jusqu’au bout cet éclat de lumière dans ce monde incroyablement sombre, froid d'apparence, mais dont on devine tout le bouillonnement intérieur, terrible. Bergman construit son film avec une économie de geste et d'effet qui lui confère une forme de pureté, de sérénité, contrastant avec la violence presque étouffante des mots, des émotions et des relations, pour mieux la souligner. Les quatre acteurs se jettent dans le cadre sans pudeur, sans filet, complètement nus et sont sans cesse époustouflants. Au milieu de ses forces dévastatrices, celle du temps, des passions, de la mort, Marianne reste intacte, débordant d’humanité en confidente diplomate, avec son écoute empathique, sa neutralité bienveillante, comme pour soigner ce monde malade de haine et de rancoeur. A un niveau plus personnel, cet épilogue qui achève Saraband sur une note d’espoir et d’apaisement, m’a totalement bouleversé et a fait accéder Marianne au rang de ces personnages qui me sont intimes et chers.