Novembre 2002: James Bond, l'un des plus grands héros du Cinéma, est au plus mal. Bousculé par le succès surprise de La Mémoire dans La Peau et de son héros agent secret aussi efficace qu'humain, le commander au service de sa Majesté vacille. Déjà fragilisé par sa confrontation avec Ethan Hunt des Mission: Impossible sans oublier l'uppercut Matrix, le Bond de l'ère Brosnan part en vrille. Et malgré un titre se refusant au pessimisme (Meurs un autre jour), il est évident que ce 20ème opus de la sage mythique marquait bien la fin de son héros.
James Bond est mort...Vive James Bond. Ne pas oublier que c'est un crédo qui ne sied pas uniquement à la royauté, mais également à notre indestructible 007. Il a déjà ressuscité plusieurs fois. N'oublions pas qu'il a même été capable de se remettre des dérapages de Roger Moore (Moonraker, Dangereusement Votre,...). Michael G. Wilson et Barbara Broccoli (producteurs) ont bien compris qu'après une telle contre-performance en 2002, il fallait tout reprendre depuis le début. Reposer des bases plus saines pour rebâtir un personnage parfaitement adapté à un 21ème siècle plus complexe. Et c'est dans cette optique que Daniel Craig prend la succession de Brosnan. Ravalement (complet) de façade: le flegme tranquille du dernier Bond laisse la place à un charme bestial hautement ambigu. Une partie des fans est piquée au vif, et le fait savoir. Qu'importe, Craig sera le nouveau Bond. Martin Campbell reprend la caméra, après avoir réussi brillamment le premier volet de la période Brosnan, Goldeneye. Et ici, on a affaire à l'adaptation de la première aventure de James Bond, racontée dans le roman culte Casino Royale de Ian Flemming. Un reboot? Yes sir.
Mais surtout un vrai grand coup de pied dans la fourmilière. Cette hallucinante intro en noir et blanc suffit à nous faire écarquiller les yeux. Une scène d'une brutalité inouïe, durant laquelle Bond tue deux hommes. Le voilà promu double zéro (donc bénéficiaire du permis de tuer). Et voilà qui n'est pas si rassurant, Bond apparaissant sans pitié et incontrôlable. Une bête assoiffée de sang qui ne cherche qu'à dominer l'autre, quelques soient les moyens employés pour se faire. À contre-cœur, sa (ferme)supérieure lui confie une première mission des plus délicate: arrêter le Chiffre, banquier privé d'organisations terroristes. Pour y parvenir, Bond devra l'affronter à une partie de Poker no limit, sur laquelle son opposant compte pour pérenniser ses investissements. Mais 007 va également devoir composer avec une représentante du Trésor, Vesper Lynd, bien décidée à garder l'œil sur l'argent que va miser l'agent secret plutôt que sur ce dernier. Subtile, maligne, magnifique et passablement résistante au regard bleu acier de notre héros, elle va aussi contribuer à révéler les failles de Bond. Alors que la situation devient de plus en plus dangereuse, le commander va devoir revoir sa façon de faire.
Coupons court au suspense: Daniel Craig est juste mémorable en Bond. Son incarnation intense et passablement névrosée du personnage culte est si impressionnante qu'elle atteint même celle de Sean Connery, qu'on pensait insubmersible. Aussi crédible dans l'action que l'émotion, Craig offre à Bond une renaissance de premier ordre. Et il n'est pas le seul à applaudir: Mads Mikkelsen est tonitruant dans la peau du Chiffre, ennemi aussi cérébral que cruel (vous n'êtes pas près d'oublier cette séquence de torture pour le moins...couillue). Eva Green (Vesper Lynd) confère une vraie épaisseur à une James Bond Girl, ce qu'on pensait impossible depuis Diana Rigg dans Au Service Secret de sa Majesté (1969 quand même!).
Le script offre une densité assez folle pour un Bond, et se permet même de prendre un rythme plutôt atypique. Peu avare en scènes d'action (démentielles) au début du film, arrivé à la moitié, l'intrigue se polarise sur le duel au poker, très psychologique. La caméra énergique de Campbell parvient à faire corps avec ce noir reboot tout en offrant une réalisation des plus efficaces (action, émotion, tension et le tout sans fausse note). Les sceptiques en seront pour leurs frais, tant le constat apparaît vite: Craig explose l'écran, et envoie ses prédécesseurs dans les cordes(qu'il s'agisse de Moore, de Lazenby, Dalton ou Bosnan). Le roi est définitivement de retour. Et pour le coup, ce sont ses concurrents qui vont devoir se mettre au niveau.