Jour et nuit est le deuxième long-métrage de Wang Chao après le très remarqué Orphelin d'Anyang, sorti en France en mars 2002. Présenté au Festival des 3 Continents de Nantes en 2004, Jour et nuit y a décroché la récompense suprême, la Montgolfière d'or, ainsi que le prix de la ville de Nantes et le prix décerné par le jeune public.
Wang Chao explique pourquoi il a choisi de situer l'action de son film dans une ville minière : "Je pense que montrer l'évolution du statut d'un mineur qui d'ouvrier devient patron au travers du passage progressif d'une mine d'état à une mine privée est un symbole fort de l'évolution de l'économie industrielle chinoise aujourd'hui, qui passe d'une économie collective à une économie privée. Actuellement, les mines et les mineurs payent un lourd tribut pour ce processus d'évolution. Par ailleurs, la mine de charbon qui se trouve dans un environnement magnifique et qui a connu la vie et la mort des mineurs présente une beauté tragique."
Alors que L'Orphelin d'Anyang avait été tourné dans l'illégalité, et n'avait pas été distribué en Chine, le réalisateur a obtenu une autorisation exceptionnelle pour le tournage de Jour et nuit, qui a également bénéficié d'une sortie en salles. La plupart des films chinois vus en occident ces dernières années sont en effet victimes de la censure locale, notamment ceux de Jiang Wen (Les Démons à ma porte) ou Li Yang, (Blind shaft, dont l'action se déroulait, comme Jour et nuit, dans une mine de charbon). Le film est coproduit par la France, via la société Rosem films.
"Le sujet principal du film est le rachat de la faute et l'échec de ce rachat ; le repentir (confession) et la remise en cause de ce repentir (confession) ; la sollicitude et la critique de la nature humaine. L'homme commet une faute, il en est conscient. Il veut se repentir, mais le fruit de son repentir engendre une faute semblable : l'homme n'est qu'un simple mortel emprisonné par ses désirs. Cette soi-disant culpabilité est justement la prise de conscience du sentiment réel d'être enfermé dans son propre piège. Le sexe est l'origine et le but de la faute. Nous ne choisissons pas le sexe, c'est lui qui nous choisit et qui nous entraîne sur un chemin irréversible. L'évolution historique du sexe est l'évolution historique fondamentale de l'être ; au travers de la vie sexuelle d'un mineur, je donne un éclairage sur l'évolution de l'histoire de la Chine, y compris de son passé et de son avenir."
Jour et nuit a été tourné en Mongolie-Intérieure. Le cinéaste revient sur les conditions de tournage particulièrement difficiles : "Il y avait plus de trois heures de route entre l'endroit choisi lors du repérage et l'hôtel dans le bourg le plus proche. Pour obtenir l'éclairage voulu et une efficacité de tournage au quotidien, nous avons installé notre campement sur les lieux de tournage ; et du coup nous avons installé les premières toilettes avec chasse d'eau et cuvette ainsi que l'eau, froide et chaude, pour se laver. Dans cette région glaciale et enneigée, nous étions obligés d'extraire du charbon pour nous chauffer (...) Nous avons connu la dureté des conditions de vie que nous étions venus filmer et que nous montrons dans le film."
Wang Chao évoque à propos de son film un mythe occidental bien connu : "Les Grecs ont un mythe, le Mythe de Sisyphe, cet homme condamné à rouler éternellement jusqu'au sommet d'une montagne un rocher qui en retombe aussitôt. C'est quelque chose de circulaire. J'admire l'écrivain français Camus qui utilise cette image pour dépeindre l'attitude douloureuse mais forte de l'homme qui ne peut se soustraire à la tragédie de son destin. Le destin ne s'arrête jamais, et c'est ce destin que l'homme doit surmonter et vaincre. Dans le film, Guangshenh, le protagoniste, ressemble à Sisyphe, ce héros occidental, qui pousse inlassablement son rocher et c'est en surmontant son destin qu'il trouvera la dignité d'exister."