L'histoire d'un taré beau gosse et looser.
Bon, ce n'est un secret pour personne qui suit ce site, j'adore Christian Bale, c'est pour moi le dernier représentant du héros malsain. Depuis que le méchant flic de « Léon » ne fait plus que de la pub pour mobile, il n'y a plus grand-chose à se mettre sous la dent. Parce que franchement, tous ces héros lisses qui réussissent tout en saignant un peu, ça lasse.
Je dis ça, mais le seul rôle de héros qu'il a eu, c'est « Batman begins », et ce nouveau film ne va pas le faire aimer des foules !
En dehors du fait que le sujet lui va comme un gant, il y a une dimension sado masochiste dans son rapport au cinéma : « j'accepte tout, du moment que je suis sûr que tout le monde me prenne pour un taré ». Ca relève du sacerdoce ou de la nature, mais pas d'un calcul à priori.
Denzel avait fait les frais (avec brio) de la méthode du scénariste dans « training day », voici une version hard. Et ce n'est pas peu dire.
Le titre exact est « Harsh times », et c'est très évocateur, mais j'aurais choisi « mauvaises fréquentations », tant il est vrai que dans ce film, on se surprend à ne plus vouloir revoir certaines personnes de son entourage après la séance.
C'est un film très dur, où il est facile de perdre pied, j'aurais sans doute plus apprécié si je m'étais attendu à une telle claque. Pendant une semaine, on suit (souvent en voiture, normal à LA) les tribulations d'un ancien soldat d'Irak qui a beaucoup de mal à reprendre la vie normale, sans parler d'un goût certain pour la drogue, l'alcool et la vie facile. C'est une sorte de trip sous hallucinogène où les seuls moments de calme sont les pauses copains, encore que les couteaux et les flingues ne sont jamais loin.
Il faut avoir le cour bien accroché, parce que entre le grain de la pellicule, la caméra qui bouge, et l'absence totale de personnage positif, on passe une heure et demie éprouvante. Enfin si, Eva Longoria est une sorte d'icône lumineuse, aussi crédible que Madonna en sainte nitouche sépharade.
Tout y passe, violence, vulgarité, sang, vice, malhonnêteté, et pourtant, on ne peut même pas juger car c'est au-delà de ce qu'un homme peut imaginer faire. Et c'est surtout sans misérabilisme à l'italienne, ce n'est pas lent, ce n'est pas triste. C'est simplement horrible. On peut imaginer un parallèle avec « Orange Mécanique » sauf qu'il n'y a aucun effet ni rhétorique sociologique ou projet de bande. C'est la vie des paumés à apparence « normale » d'une mégalopole américaine. Quand la ville est trop grande, que l'on peut facilement s'y perdre, on peut imaginer s'amuser un peu, se donner le grand frisson ou simplement survivre dans un monde qui ne laisse que peu de place aux parcours marginaux.
Rien ne nous est épargné, surtout pas cet étalage de la mentalité du looser qui veut s'en sortir par tous les moyens, simplement parce que la vie normale lui fait envie, sans se rendre compte que s'il triche avec les codes, c'est à la fois qu'il est trop intelligent pour la monotonie, et qu'il n'en fait déjà pas partie, quelques soient ses efforts. Ca vient de l'intérieur, des tripes d'un homme simple, pas méchant au départ, mais qui va péter les plombs, à force de se sentir coincé dans un destin de merde, là où tant de vedettes ou de revendeurs de coke ont la belle vie devant ses yeux.
L'expérience cinématographique n'a pas toujours à être agréable ou constructive, on voit ici dans l'impressionnante maîtrise du scénario et du film (je ne parlerais pas de la direction d'acteur tant ce serait faire injure à Bale qui « est » son personnage) que le cinéma peut aussi déranger sans chercher à faire le spectacle ou la morale.
Toutes personnes sensibles doivent impérativement fuir ce film, aussi magnifique que peut l'être la fin d'un gnou sous les coups des lionnes.
La simplicité, l'élan vital et la simplicité apparente de cette immersion est aussi forte que l'était le jeu de l'orque et de l'otarie. On est à la limite de la bête, et c'est sur grand écran. « Training Day » était aussi original que consensuel, cet opus dépasse largement les limites du politiquement correct d'Hollywood, ça fait froid dans le dos et on en redemande.