On y va alléché par le résumé, fort de quelques secrets d'actualité et on ressort estomaqué mais déçus.
Le reportage ne choisit pas vraiment le côté scientifique ou économique de l'intrigue. Ils essayent de faire des recoupements par interviews de personnes qui risquent de perdre leurs jobs (si on peut appeler ça comme ça) donc c'est assez peu fiable.
Il s'agit plutôt d'une promenade éprouvante, un cliché à un instant T de plusieurs protagonistes de plusieurs pays pendant un mois ou deux autour d'une pêcherie du lac. Le gamin Tanzanien qui sniffe les déchets chauffés d'emballages de poissons destinés à l'Europe. Le "riche" exploiteur indien qui fait tourner une usine dernier cri
pour balancer 500 tonnes quotidiennes de Perche du Nil au Japon et aux européens. Poisson dont les filets ne touchent jamais le sol ou la langue d'un Tanzanien !
Toute la lourde démonstration selon laquelle le pays est en famine alors qu'il exporte suffisamment de poissons pour nourrir 20 Tanzanies pour les 50 ans à venir est un peu surannée.
Depuis 100 ans, toutes les politiques économiques ou coloniales ont toujours consisté à affamer un pays pour produire des produits qui ne leurs sont pas destinés, le meilleur exemple restant pour longtemps le coton, cause de sécheresse et de disparition de terres cultivables pour les autochtones, sauf que l'Inde s'en est sortie, elle.
Donc on n'apprend pas grand chose.
Le problème de fond de l'Afrique Noire est toujours là. Et le documentaire ne fait qu'effleurer la contradiction.
Pourquoi ce pays est incapable de sortir de la corruption, de la famine, du sous-emploi et de toutes les autres calamités de la politique économique actuelle (VIH compris) alors que les indiens, les asiatiques et dans une moindre mesure les pays arabes pétroliers ont réussi ? C'est le grand mystère, et ce n'est pas l'évocation du trafic d'armes organisé par les européens qui va expliquer le phénomène. Les indiens se sont débarrassés des envahisseurs sans un seul coup de feu.
Bref, c'est dommage, cette manière de travailler ne fait qu'effleurer, ne donne aucune clé fiable, et est surtout un peu trop "humaniste". Les vrais problèmes sont des problèmes de responsabilité et ce n'est pas en ayant un regard misérabiliste que l'on les résoudra.
Car de l'ukrainien trafiquant d'arme malgré lui à la prostituée d'aéroport en passant par le philosophe instituteur devenu pêcheur de Perche, on a le droit à toute la panoplie de déracinés qui survivent. Quoique le mérite de ce docu par ailleurs bien tourné, c'est de montrer qu'il ne s'agit même plus de survie. On a l'impression d'être face à des Zombies, des morts vivants qui s'accrochent parce que quelque chose leur fait peur. Ce n'est pas l'espoir qui les maintient en tout cas puisque aucun n'a l'espoir de vivre une vie normale avant longtemps. C'est indéfinissable, mais c'est impressionnant.
Ensuite, il y a aussi les prises de vues dérangeantes, comme l'œil unique d'une femme, des asticots sur les poissons et les pieds des personnes travaillant dans une "manufacture" de déchets destinés à la consommation interne.
Et le pire est évidemment cette scène où les gosses de rue shootés à la colle se battent comme des chiens pour attraper des miettes de riz en en renversant la moitié alors qu'un improbable samaritain avait essayé de faire une distribution équitable.
Le bonus, c'est ce gardien de nuit avec ses flèches empoisonnées, son regard et son sourire sont terrifiants, tout comme son discours très simple, clair et pas idiot. Les réalisateurs lui donnent un sacré temps de présence et ils ont raison, c'est la vedette incontestable du film face à l'angélisme puéril des réalisateurs.
Quand au soit-disant complot scientifique pour introduire une espèce prédatrice dans un élevage de luxe, sans preuves, l'hypothèse est un peu "conspirationiste", car l'écrevisse rouge ne sert à rien dans nos rivières française, et c'est juste un accident. Le capitalisme n'est sûrement pas encore assez structuré pour imaginer faire les choses aussi bien. Par contre, quand on voit qui sont les chefs et qui sont les ouvriers, on se dit que les structures du capitalismes sont décidément bien distribuées dans le temps et l'espace !
Des fois, on se demande si le mieux à faire ne serait pas de fermer les frontières de toute l'Afrique noire, qu'elle réapprenne à cultiver ses terres et chasser son gibier ou pêcher son poisson. Et que dans le même temps l'Occident n'ait plus du tout accès à leurs ressources (évidemment !).
Puisque aucune autre solution ne fonctionne depuis 50 ans d'aide humanitaire et d'exploitation autre qu'esclavagiste.