Les deux premiers tiers du film sont très amusants : le début, notamment, avec la présentation du personnage principal en vedette has been, dont les objets personnels, vendus aux enchères, ne trouvent pas preneurs, même pour quelques sous... Fred Astaire endosse le rôle avec beaucoup d'autodérision ; âgé de 54 ans à l'époque du tournage, il voyait sa carrière décliner et tentait un retour à Broadway, comme son personnage. Autre écho personnel : le titre original du film (The Band Wagon) et certaines chansons ont été repris d'un spectacle qu'il avait monté avec sa soeur Adele dans les années 1930. Parmi les éléments amusants du début du film, il y a aussi les rencontres avec le metteur en scène, qui part dans un délire intello et grandiloquent, et avec la ballerine (interprétée par Cyd Charisse), timide mais cassante. Et plus largement : toutes les confrontations houleuses voire désastreuses entre les univers de la comédie musicale, du théâtre classique et de la danse classique. Autant d'incompatibilités a priori, qui trouvent parfois d'heureuses résolutions, comme lors de la scène de Central Park où l'acteur et la ballerine transforment une simple promenade en pas de danse à deux, harmonieux et fluide, d'une élégance folle. Le scénario du film, dans son ensemble, sonde le milieu de Broadway comme celui de Chantons sous la pluie, deux ans plus tôt, sondait le milieu hollywoodien. Ce n'est pas un hasard : le même couple de scénaristes (Adolph Green et Betty Comden) a travaillé sur ces deux comédies musicales, reprenant pour la seconde la bonne formule de la première. On peut préférer Chantons sous la pluie pour au moins une raison : un développement dramatique plus construit et abouti. Le dernier tiers de Tous en scène pèche ainsi par son morcellement, illustrant les étapes d'une tournée à travers le pays et juxtaposant des extraits de spectacles chantés-dansés sans autre lien narratif. On peut trouver ça un peu facile et limité, même si certains de ces extraits sont formidables (notamment la "scène des triplés", complètement dingue, qui restera dans les annales de la comédie musicale). Sinon, le reste se tient bien : la réalisation de Vincente Minnelli, tout en stylisation flamboyante voire exubérante ; les chorégraphies de Michael Kidd ; l'interprétation de Fred Astaire et de Cyd Charisse... Ce n'est peut-être pas le chef-d'oeuvre proclamé par la critique, mais on se réjouit de cette ode joyeuse et virevoltante au spectacle conçu comme pur divertissement, dont le leitmotiv reprend et complète une citation de Shakespeare : "The world is a stage / The stage is a world of entertainment." On peut y entendre le credo d'un cinéaste qui a consacré sa carrière essentiellement à la comédie musicale, à la comédie tout court et au mélodrame. On peut aussi y entendre, bien sûr, le credo d'Hollywood.