Ce film ovni ne peut laisser indifférent : soit on n'accroche absolument pas avec son univers (ce que l'on sait très vite), soit on en tombe amoureux fou et pour longtemps.
Je l'ai découvert par hasard, sans en connaître l'histoire, sans avoir lu le moindre résumé, intriguée par la scène d'ouverture dont le décor (une usine irlandaise) et la bande son (électronique) m'a rappelé « Dancer in the dark » de Lars von Trier. Les minutes passent, mon étonnement ne fléchit pas : le personnage central – campé par Sarah Polley – est énigmatique et mène une existence rythmée de rituels étranges. Hanna mange toujours le même repas, se lave avec le même genre de savon, exerce un métier répétitif sans jamais parler à personne. Une vraie machine. Au point que son directeur insiste pour qu'elle prenne des vacances. La suite du film n'est pas sans rappeler, cette fois, « Breaking the waves ». Lors de son congé forcé, incapable de ne pas travailler semble-t-il, Hanna se fait embaucher pour quelques semaines, comme infirmière à bord d'une plateforme pétrolière sur laquelle a eu lieu un accident. C'est là qu'au milieu de l'océan, entre le ronflement lancinant des pompes et celui des vagues, elle fait la connaissance de Josef – le grand et séduisant Tim Robins – qui souffre de brûlures graves. Lui est aveugle (frappé de cécité suite à l'explosion dont il a été victime), elle est à moitié sourde, réglant son appareil auditif selon qu'elle ait envie ou non d'entendre le monde qui l'entoure. Tous les deux vont peu à peu s'apprivoiser, se cacher derrière l'obscurité afin de se créer une nouvelle identité pour, au final, rompre le silence,
se confier totalement et mettre en lumière, tour à tour, leurs sombres secrets.
Ce film sublime, aux personnages secondaires touchants (les hommes qui travaillent à bord) peut paraître lent : c'est que, sur cette plateforme, le temps, comme l'activité pétrolière, s'est arrêté. Ne restent que les mots échangés – parfois légers, souvent profonds – la mer – dans toute son immensité, terrifiante et belle – ainsi que la musique – omniprésente et à tomber. J'ai eu peur de deux choses, la première fois :
d'abord, que l'intrigue évolue à peine et que l'on n'apprenne jamais rien à propos de Hanna (ce qui n'est pas le cas puisque son histoire fera sens). Ensuite, que le film vire en relation d'amour impossible, avortée (ce qui, de mon point de vue, aurait été assez frustrant, peut-être même un peu facile). En réalité,
The Secret Life of Words est une superbe histoire d'amour, envoûtante, qui emporte telle une lame de fond. Seule la voix off, planant ici et là, garde ses secrets, chacun pouvant l'interpréter comme il le souhaite.