À l’annonce d’un film de requin géant à gros budget (c’est à dire hors des films de série Z « Sharknado » qui font les bonheurs des rayons DVD estampillés nanars fun), on en salivait d’avance. Car depuis « Peur bleue » il y a vingt ans on n’a rien eu du tout avec de gros moyens sur le sujet sur grand écran. Et si ce dernier était réjouissant par son rythme effréné, son côté sans star et donc sans pitié pour ses personnages (quoique la mort de Samuel L. Jackson restera dans les annales) ainsi que pour son second degré jubilatoire, il n’en est pas de même pour « En eaux troubles ». Trop préoccupé de satisfaire tout le monde, ce blockbuster en devient lisse de partout et aseptisé sur tous les fronts, notamment sur celui qu’on attendait le plus: les frissons. Car ici on n’a pas peur une seule seconde et on ne ressent aucune tension et encore moins une quelconque sensation de pression. Pour cela, il faut plutôt revoir « Instinct de survie ».
Dans ce long-métrage, donc paradoxalement tous publics, vous trouverez donc un casting avec une parité hommes-femmes parfaite dans la distribution des rôles en réaction à la mode #metoo, ce qui est à ce niveau plutôt une bonne nouvelle. En revanche, dans le but de ne froisser aucune minorité, ceux-ci sont incarnés par des acteurs de toutes couleurs. Une mode United Colors of Benetton bien intentionnée mais trop consensuelle et souvent inutile. Par exemple ici, le quota afro-américain est représenté par un personnage totalement dispensable, en forme de cliché sur patte, mais surtout irritant à tenter d’insuffler un humour pas drôle. Qui plus est, à l’image du récent « Skyscraper » et de bien d’autres qui arriveront avec l’énorme potentiel commercial du nouveau marché chinois, « En eaux troubles » à été pensé pour draguer le public asiatique et cela se ressent fortement à l’écran et rend ce long-métrage fortement irritant pour le spectateur régulier par son aspect mercantile excessif.
Enfin, pour ne pas arranger les choses, le film ne se choisit pas une ligne de ton claire, ce qui ne le rend pas heureusement bancal où complètement raté mais encore plus lisse à vouloir satisfaire tout le monde. On met une petite romance par-ci (encore une fois inutile), une bonne louchée d’humour par-là (pas une seule fois réussi) et quelques frissons bon marché (et jamais effrayants) pour couronner le tout. Donc à ne jamais choisir, ce film ne satisfera que les masses endormies avides de divertissement sans aucune aspérité. Et sur ce point c’est réussi. On ne s’ennuie pas, la mise en scène est impersonnelle mais correcte et l’action file à bon train. Il faut cependant passer sur quelques fautes de raccords et grosses incohérences dans le comportement des personnages. Bref, « En eaux troubles » est un cas d’école dans ce que le cinéma à gros budget devient: racoleur, sans goût, fabriqué comme un produit destiné à plaire au plus grand nombre mais gentiment divertissant. Au moins il le fait sans trop d’hypocrisie et fait passer le temps, mais c’est flippant pour l’avenir. Bien plus flippant que ce mégalodon qui aurait pu et dû être le film de requins référence.
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