La prise de conscience que j’éprouve une sorte d’inclinaison coupable pour les films avec des chauves musclés, peu importe ce qu’ils affrontent, me plonge dans une vive inquiétude. D’ailleurs, je pensais en toute bonne foi que c’était Dwayne Johnson qui allait se fritter avec un mégalodon...et quand j’ai appris que c’était Jason Statham, cela ne m’a causé aucune déception puisque je les considère un peu comme des frères de stéroïdes. Enfin, l’inquiétude venait peut-être du fait que ‘En eaux troubles’ est un Shark-movie et que comme tous les Shark-movies, il est forcément pensé comme une série Z...quitte à ce que ce soit avec des moyens qui donnent un minimum de tenue à l’affrontement. Il en sort tous les deux ou trois ans, des comme ça, le dernier étant ‘Instinct de survie’ en 2016...mais en fait, peu importe le pognon qu’ils flanquent ou ne flanquent pas dedans, les Shark-movies sont les seuls films de ce genre qui peuvent prétendre à avoir un impact sur moi. Ben oui, j’ai peur des requins blancs qui ravagent les parcs aquatiques, j’ai peur des requins bleus qui attaquent les gens agrippés à un récif ou une bouée,...j’ai même peur des requins dans Le Monde de Nemo, c’est vous dire ! Alors, une bestiole de cinquante mètres de long, avec des dents comme des tronçonneuses, réalisée en numérique pas extraordinaire mais tout de même suffisamment pour qu’elle n’ait pas l’air tout à fait fausse, ça m’a tout de même valu de pousser quelques couinements suraigus, peu importe que le scénario et les personnages soient à peine plus évolués que dans le premier ‘Sharknado’ ! Ceci dit, il y a tout de même un gros problème de fond avec ‘En eaux troubles’ : il s’agit d’un film conçu avant tout pour le marché chinois et le marché chinois, il n’est pas encore mûr pour le second degré et l’ironie post-moderne. Donc, l’étalage de fric pour montrer qu’on a les moyens de construire des trucs extraordinaires, l’héroïsme, le romantisme,...tout doit être totalement premier degré, sans arrières-pensées sarcastiques : il suffit de voir à quel point la pauvre Li Bingbing y croit, à sa romance en carton avec Statham ! De même, le prédateur préhistorique ne doit pas manger trop de gens ou s’il les mange, ça ne doit pas avoir l’air de faire trop mal : le Meg mange donc proprement, et c’est bien dommage. Mais ce qui plombe surtout le film, c’est son absence totale d’humour, qui finit par rendre cette chasse au requin géant terriblement ennuyeuse : vu les excellentes dispositions dans lesquelles me mettent les films qui ont conscience de leur propre idiotie, comme ‘Kong : skull island’, l’auto-dérision n’est pas seulement souhaitable, elle est impérative !