"Broken flowers" prouve, si besoin était de le prouver encore, que Jim Jarmusch est un esthète de son temps et de son pays. Jamais moraliste, il imbibe ses films d'un âge que personne n'aurait jamais connu. La force de sa poésie réside dans sa provenance mystérieuse, nouvelle, qu'il faudrait creuser encore et encore pour y déceler de plus en plus de charme. Il s'agit pourtant d'un modeste mélange entre un humour désenchanté et une émotion effleurée, personnelle. Un ajout musical qui s'imprègne dans la répétition. D'un seul cadrage qui vient tout remettre en question. Tout se joue à partir de ces infimes données, et de là Jarmusch prolonge l'infime. Ce sont des petits fragments dans une tranche de vie. A la recherche d'un fils dont il apprend juste l'existence, le vieil homme sans rire va explorer le pays et rencontrer ses anciennes conquêtes, pour savoir qui pourrait être la mère. L'extraordinaire ici, c'est la force avec laquelle Jarmusch nous embarque dans son monde, qui est le notre. L'importance qu'il accorde à son récit, au but unique de son film : qui est cet enfant? Le personnage du père devient si attachant dans ses non-dits, dans ses moues figées et tristes, qu'il prend la place de l'enquêteur. "Broken flowers" devient un thriller : on se demande qui peut-être la mère comme l'on se demande qui est le coupable. A travers des saynètes, un faux scénario qui n'est que le prétexte à la diffusion des différentes faces de l'Amérique, Jarmusch ouvre la vision d'un pays qui lui tient à coeur, un pays où l'on sent qu'il a vécu, fumer, respirer, filmer et marcher avec un amour de chaque instant. Son pays est le notre, du bout du monde, il est décalé, parfois burlesque, parfois amer, avec des choses justes et d'autres injustes. Jarmusch ne tient pas compte d'une quelconque morale. C'est le prix à payer pour l'éclosion d'une poésie instantanée, fleurie, nochalante, bercée et au fond pas très belle. Juste une poésie du présent, improvisée presque. Sur l'affichage Droopye