Une jolie petite lettre rose sans signature annonce à un vieux célibataire qu'il a un enfant caché depuis vingt ans, ce qui pourrait passer pour une mauvaise blague ou une erreur de tri postal. Mais voilà, dans le doute, le vieil homme prend un crayon et une feuille, et tente de se rappeler ses conquêtes féminines de l'époque, pour leur rendre visite et vérifier par lui-même si la lettre est justifiée. Broken Flowers de Jim Jarmush est un joli film d'enquête à la romance fanée, comme les fleurs que Bill Murray garde dans son salon pour mettre en confiance ses coups d'un soir (la maison-type d'un Playboy sénior), qui réussit à nous intéresser assez pour regarder avec son personnage principal si l'on ne voit pas de traces d'enfants ou d'ados dans les maisons visitées, sur une BO très sympathique. On prend plusieurs fois la voiture avec des airs entraînants d'éthio-jazz (on ne connaissait pas ce genre de musique, tout à fait plaisant) interprétés par Yegelle Tezeta, des séquences que l'on aime retrouver entre les visites de maisons. En plus de ces transitions intéressantes pour relier chaque étape du road-trip, on découvre le thème musical There is an end (de Holly Golightly and The Greenhornes) qui nous envoute de ses paroles lascives et de sa mélodie facilement mémorable. Mais si Broken Flowers est une réussite dans le choix et le montage de sa bonde-son, on reste assez déçu de la linéarité de l'intrigue (une maison, une enquête, pas d'enfant, direction l'autre maison, etc...) et surtout de la fin
qui nous abandonne sans réponse
. On se sent carrément laissés en plan au milieu d'un début de solution (avec la découverte
du jeune homme
, dont on ne sait pas s'il pourrait avoir un lien avec l'enfant qu'on cherche), et l'on a eu beau fouiller les interviews du réalisateur, ce dernier prend un malin plaisir à ne pas révéler quoi que ce soit sur le final ("Je n'aime pas dire aux spectateurs ce qu'ils doivent penser", d'accord, Jim, mais dis-nous quand même s'il a un enfant ou si la lettre était une erreur... Merci pour ceux qui ont enquêté pendant deux heures). On s'imaginera donc ce qu'on veut, avec toujours cette amertume de ne pas être sûr d'avoir raison (on apprécie les fins ouvertes à interprétation, mais pas forcément celles qui nous demandent de conclure tout le scénario nous-mêmes, sur le ton d'un "débrouillez-vous"). Nos oreilles se sont offert une belle balade en voiture avec un Bill Murray toujours aussi bon pour les répliques cyniques, mais on s'est un peu agacé d'être lâchés à un doigt de la solution. "Pas sympa, Jim", et on le dit avec des fleurs.