Deuxième long métrage de la réalisatrice Anne Villacèque après le remarqué Petite chérie en 2000, Riviera a été présenté en 2005 en compétition au Festival de Locarno. La cinéaste a par ailleurs signé plusieurs documentaires, dont Oh ! les filles en 2003, dont le thème n'est pas sans évoquer Riviera : les aspirations et le quotidien d'une bande de pré-adolescentes à Marseille.
La cinéaste résume son film : "C'est l'histoire d'une petite fille qui voudrait bien vivre et aimer, et qui se prend des coups, l'histoire simple et éternelle de l'innocence bafouée (...) Stella, c'est à la fois Marilyn et une petite fille qui ressemble à toutes les autres petites filles d'aujourd'hui : de la chair à castings. C'est un personnage qui me touche par sa pureté. Elle donne tout ce qu'elle a, tout le temps. Mais, comme on ne lui a pas appris à dire non ni à souhaiter autre chose que de ressembler à une image de télé, cette naïveté et cet abandon vont la briser (...) Et puis il y a sa mère, Antoinette, un personnage complexe, tourmenté, un vrai personnage de tragédie (...) C'est elle le véritable moteur de l'histoire : c'est elle qui voit les choses, à distance, qui sent, et qui devine. C'est elle qui force le destin en provoquant la rencontre entre Romansky et Stella. Et c'est encore elle qui pousse sa fille dans ce jeu de rôles où il faut être la plus belle pour exister."
Découverte à 16 ans dans un film qui avait déjà pour cadre la Côte d'Azur (Marie Baie des Anges de Manuel Pradal), Vahina Giocante incarne une jeune strip-teaseuse dans Riviera. La réalisatrice parle de son actrice : "Vahina Giocante est une comédienne très sensuelle, très physique, ce qu'elle propose dans les moments de silence est toujours surprenant, et elle aime danser, ce qui était essentiel pour le rôle de Stella. Ça a été d'ailleurs un point d'appui important pour elle dans les moments où elle était déstabilisée par la violence du rôle : avec les séquences de danse, elle reprenait de la force et de l'énergie parce qu'elle était dans son élément. Après, ce qui a été compliqué à gérer pour elle comme pour moi, c'était le coeur du film, cette question de la beauté et de l'apparence : c'est très dur, pour une jeune et belle comédienne, d'incarner un personnage qui est dans l'aliénation, dans l'absence complète de maîtrise des situations, et qui ne doit exister qu'à travers ce qu'elle paraît être."
Criminel dans Aux abois de Philippe Collin, sorti en 2005, l'humoriste Elie Semoun campe de nouveau un personnage trouble dans Riviera. A propos de ce rôle d'assureur déstabilisé par sa rencontre avec "une blonde à forte poitrine", la réalisatrice refuse de parler de contre-emploi : "[Elie] avait une espèce de familiarité avec le personnage, et il me semble en effet que Romansky pourrait presque avoir sa place dans “Les Petites Annonces”. À aucun moment je ne me suis dit qu'il s'agissait d'un contre-emploi. Elie est juste dans un autre tempo, plus retenu que celui qu'il pourrait avoir dans l'un de ses spectacles. Mais, l'avantage d'un vrai comique, c'est qu'il peut aller plus loin. Avec lui, toutes les inhibitions sautent. Elie porte une sorte d'excès permanent en lui, tout en restant humain (...) Et puis, surtout, il est tendre. Je n'aurais pas supporté la scène très violente qui fait basculer le film sans cette tendresse qu'il porte en lui, et qui rend son geste désespéré au lieu d'en faire un pur acte gratuit."
La réalisatrice évoque une de ses influences pour le film : "Pendant l'écriture du scénario, j'ai beaucoup pensé à Bellissima de Luchino Visconti, avec la grande Anna Magnani, cette histoire magnifique d'une mère qui pousse sa fille à devenir ce qu'elle n'a pu être elle-même. Par amour, la mère transforme la fille en objet. Derrière, il y a le mirage de Cinecitta, et puis toute la dimension sociale et historique de l'Après-Guerre : la misère, la reconstruction du pays. On sait d'emblée qu'il n'y aura pas de miracle, à la toute fin de l'histoire, parce que l'époque est impitoyable. Pour moi, Riviera était une version contemporaine de Bellissima. Aujourd'hui, ce sont les mères qui poussent leurs filles dans le Loft, et qui sont prêtes à les vendre pour pas cher."
Jouant le rôle d'une femme de chambre dans un hôtel de luxe, Miou-Miou effectue différentes tâches ménagères tout au long du film. Ce rôle rappelle une série de courts-métrages de 1991 signés Claire Simon, intitulés Scènes de ménage, et dans lesquels la comédienne interprétait une femme au foyer. Dans chacun de ces courts métrages, elle accomplissait une tâche ménagère : "passer l'aspirateur", "faire le lit", etc. Ajoutons que, dans un de ses films les plus marquants, Nettoyage à sec d'Anne Fontaine, Miou-Miou tenait un pressing, avec son époux Jean-Claude (Charles Berling)...
Pour donner à Miou-Miou des indications sur son personnage, et lui parler de l'importance de la coiffure dans la construction du personnage, Anne Villacèque lui a suggéré de penser à Wanda, l'unique et mythique film réalisé par Barbara Loden, l'épouse de Elia Kazan, et qui fait le portrait d'une femme à la dérive.
La réalisatrice a choisi de situer son film sur la Côte d'Azur, "cette France du Sud, souvent fantasmée comme le pays du soleil et de la mer toujours bleue", mais qui représente surtout pour elle "une image très forte des contradictions françaises : ça a l'air d'être charmant et très civilisé de loin, et puis, quand on se rapproche, on se prend en pleine figure le vide idéologique, la violence sourde des rapports sociaux, la solitude de tous". Elle précise, à propos de cette toile de fond : "En choisissant les décors au moment des repérages, nous nous sommes dit que le principal personnage du film, c'était peut-être cette Riviera française, qui a une signification imaginaire assez riche mais, qui, concrètement, est une région où l'urbanisation intensive a détruit à peu près tout ce que le paysage pouvait avoir d'exceptionnel et de poétique. C'est très peu poétique, la Côte d'Azur. C'est surtout bruyant et pollué. Le film joue tout le temps sur ça, ce double aspect : la réalité triviale et la représentation imaginaire."
La bande originale de Riviera a été composée par Marc Collin, l'un des deux initiateurs (avec Olivier Libaux) du projet Nouvelle Vague, album composé de reprises, en version bossa nova, de morceaux new wave, et qui remporta un succès international à sa sortie en 2004. Le film s'ouvre d'ailleurs sur une des chansons de ce disque In a manner of speaking. Marc Collin a proposé à la cinéaste des titres qu'il avait écrits dans le passé, mais il a aussi composé de nouveaux morceaux. On entend à plusieurs reprises dans le film I wish I was a boy, un titre de Collin interprété par Muriel Moreno, l'ex-chanteuse du groupe Niagara.
A propos de l'épilogue du film, plusieurs interprétations sont possibles, selon le metteur en scène : "Une première lecture très factuelle : se dire que Stella a touché le fond. Mais pour moi, c'est la lecture la plus plate, la moins intéressante. C'est beaucoup plus fort de lire cette fin comme un cri de révolte, une sorte de libération. L'absence de révolte des personnages, tout au long du film, contre ce que la vie leur propose, c'est ce qui rend le film terrible (...) Alors, à la fin, quand arrive cette fille au piercing qui se met à hurler et dit enfin les choses telles qu'elles sont, c'est violent, parce que la fille est enragée, mais je me sens entièrement de son côté. On peut relire aussi tout le film comme un parcours initiatique, l'histoire d'une désillusion : Stella a perdu son innocence (...) Mais, à la fin, elle est plus forte. Son regard s'est durci. Elle est passée de l'autre côté du miroir. Peut-être que, maintenant, elle saura se défendre."
La cinéaste a fait appel à des collaborateurs avec qui elle avait déjà travaillé sur son premier long métrage, notamment le chef-opérateur Pierre Milon (à qui on doit aussi la photo de la trilogie Un couple épatant Cavale Après la vie de Lucas Belvaux), et la monteuse Anne Riegel, qui travaille également avec Solveig Anspach.