Avec "Terre Promise", Amos Gitaï s'aventurait en 2004 dans un sujet déjà exploité à maintes reprises mais suscitant toujours l'attention : la prostitution. Cependant, il se différencie dès le début de tout ce qu'on a pu voir auparavant. Lui ne cherche pas à comprendre les origines sociologiques du désastre, n'analyse pas la politique du pays concerné, ne prend même pas de véritable personnage principal... Sa démarche consiste en une terrifiante descente aux enfers, dénuée de tout effet, cherchant seulement à nous faire vivre et ressentir le terrifiant voyage parcouru par ces jeunes femmes emmenées de force. Il est très important de le voir comme tel afin de ne pas formuler de fausses interprétations. Les protagonistes à l'écran manifestent une recherche d'émotion en temps réel mais on ne s'intéresse pas à savoir qui elles sont ni d'où elles viennent. Ainsi, l'absence de profondeur que l'on pourrait reprocher en d'autres circonstances se voit parfaitement justifiée ici car il ne s'agit que de chair humaine, d'esclaves des temps modernes. Elles sont vendues et traitées comme de la viande, ce que Gitaï démontre dans un style assez cru. Complaisance ? Non, cela s'inscrit dans la même logique : faire réagir, provoquer les sentiments du spectateur au cours d'un récit implacable, narré sans faute aucune. Il y a toujours une logique dans ce qui est montré, ne faisons pas preuve de mauvaise foi. Et puis surgit le final : rêveur, nostalgique, échappatoire, quelque peu contraire au reste croit-on ? Toujours pas, la liberté n'est qu'illusion, ces femmes ont été souillées, humiliées, traumatisées à jamais. Leur retour à la vie réelle n'en sera que plus terrible. Elles sont à présent plus bas que bas, et l'ironie féroce présente jusque dans le titre emplit le cadre. Après "Or", le cinéma Israëlien montre qu'il est en très grande forme. Devant un tel chef-d'oeuvre, il n'y a plus qu'à s'incliner...