L'histoire d'une fiction tournée autour d'une expérience d'un jeune professeur dans le vingtième arrondissement.
En un mot comme en cent, j'étais obligé de voir ce film, pourquoi ?
Tout simplement parce que j'ai quarante ans, et que ce collège Françoise Dolto du petit vingtième, c'est mon lycée 22 ans plus tôt !
Il s'appelait simplement « Collège Pyrénnées » à l'époque, et la cour était en simple bitume parsemée de platanes. Autant dire que je n'ai rien reconnu dans ce panorama. Ce qui n'a pas changé, c'est la composition colorée d'une classe de cours. Dans mon siècle à moi, il y avait 24 nationalités différentes, dont au moins trois inconnues, les parents ne parlant pas français et arrivées on ne sait comment, le rectorat ne savait même pas d'où ils venaient !
Le seul mauvais souvenir que j'ai, en dehors des cours proprement dit, c'est un couteau sous la gorge d'un copain arabe en pleine cour de récré, il faut dire que je l'avais cherché, et j'ai appris plus tard qu'il était rentré en fac. J'étais plus proche de l'immigration africaine et de l'Asie, mais ce n'était pas facile de s'en faire des copains, ils travaillaient tous pour la famille ou pour les commerces d'oncles ou tantes après les cours. Le seul mot qui me vient à l'esprit pour cette immigration des années 80 à Paris, c'est courage. Pendant que le petit fils de faux bourge ne faisait pas trop d'effort et faisait son numéro pour les filles. Je me souviendrais toute ma vie de mon trio de flirt de l'époque, une juive, une portuguaise et une (mon) argentine, le premier flirt sérieux de mon début de vie. Ce collège était une sorte d'énigme posée à 100 mètres de chez ma grand mère. Tant de filles, tant de force adolescente et tant de contraintes scolaires qui m'empêchaient de m'amuser. C'était juste avant les années SIDA, et la vie des ados n'avait rien à voir avec ce que l'on subit aujourd'hui.
Il y avait une vie de village qui est décrite d'une autre manière dans le film, maintenant on parle de cité ou de quartier. Mais c'est vrai que le vingtième est un arrondissement un peu à part.
L'immigration qui réussissait le mieux était déjà l'asiatique, et ça n'a pas changé, tant est que les cambodgiens et vietnamiens de l'époque avaient la même mentalité face à la réussite et au respect du savoir que les chinois de masse d'aujourd'hui.
C'est ici que les parallèles s'effacent. Evidemment, en 24 ans, la composition pluraliste d'une classe d'un arrondissement populaire a un peu changé. On ne trouve plus que 30% de visages de souche, alors que je crois me souvenir qu'on était plus d'une bonne moitié à l'époque. Le vrai problème, c'est qu'à l'époque, les groupes de rap n'existaient pas, et les jeunes ne s'identifiaient ni à l'échec ni à la violence, qu'elle soit verbale ou physique. Ils croyaient à la réussite par le travail ou par l'étude. Et comme dans d'autres domaines, l'important, c'est parfois simplement d'y croire. Dans ce film, on sent bien que même en plein Paris, les communautés s'affrontent, sont racistes entre elles autant qu'envers les blancs ou pire, les homosexuels, sans aucun complexe, comme si vivre ensemble était si dur qu'il faille se réfugier entre soi. Même si c'est dans l'ignorance crasse et le nivellement par le bas, ou carrément par le pire, la religion.
Le film, contrairement aux craintes imaginées, fait vraisemblable, au bout des 15 premières minutes, on oublie le jeu un peu emprunté des adolescents, et on prend son pied, car regarder une histoire de société sans vedettes, c'est vraiment plaisant.
Il reste étonnament trois acteurs qui sortent du lot, le petit noir bouffon de la classe avec son sourire en 16/9ème et sa ressemblance avec un acteur de série B américain, le « méchant » noir qui se tatoue un verset du Coran sur l'épaule et qui explose bien les plombs, mais surtout la noire un peu ronde, avec sa sensibilité à fleur de peau, sa parano si bien rendue, et sa rebellion touchante.
Le mérite du film, c'est de brosser un portrait d'une jeunesse qui n'est plus éduquée, qui n'a que des questions et aucune réponse, surtout de la part d'un corps professoral encore plus perdu que les jeunes, venu d'une province tranquille pour atterrir dans la fosse aux lions.
L'autre mérite, c'est de montrer toutes les lacunes de formation, toute la lâcheté du héros, ce prof qui n'est même pas capable de mettre le hôla quand des africains se permettent des propos racistes sur l'antillais en cours, ou les lancers de piques entre marocains et noirs. Sans parler de sa propre xénophobie, ne serait-ce que religieuse. Et toute cette déontologie rêvée à la Française qui donne bien du mal à ce gauchiste quand il est confronté à d'autres types de civilisations plus pragmatiques.
Bref, et ce n'était pas gagné, un très bon film, rafraichissant, angoissant et intéressant. Sur l'école, ses profs, son administration, ses règles et cette génération qui fera la France de demain, sans doute très désenchantée.