"Locataires" est l'un des plus beaux films qui m'a été donné de voir jusqu'à ce jour. C'est un film à part dans l'histoire du cinéma, car ce film est à la fois un film muet, c'est-à-dire un film marqué par la quasi-absence de dialogues, et un film métaphysique. En effet, "Locataires" se démarque de la majorité des films par sa première démarche qui consiste à donner un sens plus large et surtout plus universel à la communication entre individus. Et cette communication ne se fait non pas par la parole, mais par les gestes, les regards, les actes, et autres situations peu ordinaires. "Locataires" nous fait en fait redécouvrir ce qu'était la communication de nos ancêtres à l'époque de l'Âge de pierre. Car effectivement, dans ce film, tout se passe ou presque, comme à l'époque de la Préhistoire, c'est-à-dire que les personnages ne communiquent, la plupart du temps, que par des gestes, des mouvements de regards, de mimes, et j'en passe. La parole n'a pratiquement pas sa place dans ce film, dans ce chef-d'oeuvre qui nous donne l'opportunité unique de nous mettre à la place de "l'Homme avant la découverte de la parole". Tout simplement splendide, tant la maîtrise de cet art par le cinéaste Kim Ki-Duk est bluffant ! La pénurie des dialogues gênera sans doute certaines personnes, habituées à regarder des films où la "parlotte" est mise en exergue, c'est-à-dire, où l'on parle beaucoup, mais pour finalement rien dire d'important ou de sensé ! Cette pénurie de dialogues rend ce film à la fois mystérieux et presque surnaturel, à l'image du "Samouraï" de Melville. De plus, il y a une atmosphère métaphysique dans ce film, car certaines scènes semblent surréalistes, sorties de l'imaginaire d'un mortel devenu immortel, d'un homme devenu Dieu, comme cette scène où le personnage principal est en prison, et se joue, par la ruse, mais surtout par son union avec la vie, la nature, la terre, le ciel, de son gardien prison. Mais la scène finale est encore bien meilleure ! Magnifique.