Black Book est un film qui sonne le retour de Paul Verhoeven dans son pays natal, la Hollande, et aussi la concrétisation d'un projet qu'il porte en lui depuis 20 ans: "Je suis content d'avoir pu réaliser ce projet sur lequel Gerard Soeteman et moi travaillons depuis vingt ans. (...) L'idée de base a toujours été la même: un groupe de juifs est trahi et tué en tentant de franchir le delta du Biesboch et le personnage central se lance à la poursuite du traître. Originellement, notre protagoniste était un homme, ce qui posait un problème: comment lui faire infiltrer de façon crédible le commandement allemand? Gerard a trouvé la solution il y a trois ans: faire de notre héros une femme. Toutes nos scènes se sont mises en place du même coup." raconte le réalisateur.
Un carnet noir (black book) a bel et bien existé: il renfermait les noms des traîtres et des collaborateurs qui aidaient les Allemands à tuer ou capturer des Résistants pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Le scénariste Gerard Soeteman a beacoup lu à son sujet: "Ce fameux "petit livre noir" était tenu par Mr de Boer, un avocat de la Haye qui fut abattu dans la Goudenregenstraat juste après la guerre. On n'a jamais retrouvé ses assassins. Durant l'Occupation, de Boer s'était efforcé d'aboutir à un accord entre le commandement allemand à la Haye et la Résistance, afin de limiter les effusions de sang. Chaque fois que les Résistands liquidaient des gens, les Allemands prenaient des otages dans la rue et les fusillaient sur le champ." raconte Paul Verhoeven.
Pour Black Book, Paul Verhoeven a tenu à apporter un ton moins héroïque que dans un de ses précédents films, Le Choix du destin, sorti en 1977. Le réalisateur souligne l'approche plus nuancé de ce nouveau film sur la guerre: " J'y vois une approche moins héroïque, plus authentique de cette période. Je voulais en montrer les ambiguités et les demi-teintes, en évitant tout manichéïsme. Black Book est réaliste et provocant. Personne n'avait encore montré comment nous traitions nos prisonniers en 1945."
Le personnage de Rachel a été construit selon plusieurs témoignages recueillis par les deux scénaristes. Le parcours de Rachel représente donc plusieurs souffrances qui sont arrivées sous l'Occupation: " A la lecture du scénario, je doutais parfois qu'autant de drames puissent s'abattre sur Rachel en si peu de temps. Mais Paul et Gerard m'ont confirmé que tout cela s'était réellement produit. J'ai entrepris à cette époque certaines recherches sur les Resistantes, mais les ai écourtées, parce que je n'étais pas censée jouer une figure historique. Il m'était permis d'incarner Rachel à ma façon, quitte à ce que le réalisateur corrige parfois le tir. C'est ce genre de challenge qui rend si passionnant le travail d'acteur." confie l'actrice Carice Van Houten.
L'actrice Carice Van Houten admet qu'elle avait quelques craintes à être dirigée par Paul Verhoeven au vu des making-of de tournage de Turkish delices et du Choix du destin: "C'était atroce ! Les actrices devaient travailler 24 heures d'affilées et ne recevaient qu'une cuillérée de Muesli lorsqu'elles risquaient de tomber d'inanition !". Mais finalement le tournage s'est très bien passé, et l'actrice s'est sentie accompagnée par le réalisateur tout au long du parcours du personnage, même lors des scènes les plus dures : "Le meilleur exemple étant l'épisode où l'on me jette un baquet d'excréments. Je détestais cette idée et la trouvais humiliante. A la fin de la scène, Paul Verhoeven s'est tout de suite rapproché de moi, alors que rien ne l'y obligeait, pour me réconforter et patauger avec moi dans cette mare nauséabonde. J'ai trouvé cela formidable. Quel meilleur signe de son amour, de sa sympathie, pour nous ?"
Bien que Paul Verhoeven soit retourné aux Pays-Bas pour ce film, il ne s'est pas tellement écarté des grosses productions comme il avait l'habitude d'en faire aux Etats-Unis: "Dans le contexte Hollandais, Black Book est une énorme production, d'une grande complexité. On n'a pas ici l'habitude de travailler à cette échelle, et cela crée parfois des difficultés." Heureusement il a pu s'appuyer sur le producteur San Fu Maltha qui a trouvé de nombreux coproducteurs étrangers. "Cette histoire méritait d'être racontée, elle éclaire des aspects méconnus de la Seconde Guerre Mondiale. Autre raison: mon grand-père a fait partie de la Résistance", confie le producteur.