Après le désastreux échec « Showgirls », le petit succès probant de « Starship troopers » puis l’invalidité critique et la mauvaise entente avec les producteurs de « L’homme sans ombre », Paul Verhoeven revient sur ses terres, 21 ans après la sortie de « Flesh and blood ». Le metteur en scène de « Katie Tippel » avait laissé sur place son scénariste fétiche (Gerard Soeteman) qui réfléchissait lui aussi à un projet se centrant sur la Seconde Guerre Mondiale aux Pays-Bas, sujet déjà traité auparavant de manière plus héroïque dans « Soldaat van Oranje » qui pouvait se targuer d’être le reflet de la position de la Hollande durant cette guerre. Avec « Black book », Verhoeven, passé maître dans l’art du grand spectacle pendant sa période américaine, ne déroge pas à la règle. A 68 piges, Paul le hollandais s’assagit comme jamais et donne ainsi un second souffle à une carrière en perte de vitesse.
« Black book », l’histoire d’une chanteuse juive haguenoise tentant de rallier une Belgique déjà libérée se fait finalement intercepter avant la frontière puis rejoindra à ses dépens la résistance néerlandaise, c’est donc le succès hollywoodien que Paul met au service de cette très grosse production, à l’échelle du pays, centrée sur le devoir de mémoire. Avec cette narration sur la résistance, le Hollandais violent en oublie ses vieux démons pour mieux se rapprocher de ses personnages. Et de faire un film de guerre un film d’espionnage tout comme l’avait concocté Hitchcock en son temps : je pense bien sûr au « Rideau déchiré ». 29 ans après « Le choix du destin », le peintre hollandais brosse le portrait d’une bande de résistants tous plus apeurés les uns que les autres. Ce qui change, c’est le ton. D’une musicalité infime, l’écriture filmique (de Verhoeven-Soeteman), aussi limpide soit-elle, ne fait pas la différence entre l’animosité des personnages (nazis ou résistants, comme le décrit si bien l’artiste-réalisateur) et le déroulement de l’histoire (Soeteman signant un scénario dans lequel les situations s’enchaînent de manière appropriée à l’image d’un récit général en un flashback époustouflant). En cela, nous nous prenons totalement au jeu verhoevenien durant la durée totale du film, soit deux heures et demie de tension jamais relâchée. Paul nous tient en haleine rien que pour nous narrer une histoire dans l’Histoire.
Le casting en reste légèrement indifférent à l’image d’une Carice Van Houten (consacrée par ce rôle de résistante, on la retrouvera aux côtés de Tom Cruise dans « Valkyrie ») qui joue les utilités. Les seconds couteaux intéressants ont été pour moi Derek de Lint (retrouvant Verhoeven depuis « Le choix du destin ») et Christian Berkel (débutant chez Bergman mais un habitué des films de guerre : « La chute », « Leningrad », « Inglorious basterds ») par leur charisme naturel.
« Black book » (2006), joyau du film de guerre, est ainsi une œuvre d’art dans laquelle j’ai retrouvé la griffe d’un cinéaste apaisé mais toujours rongé par ses pulsions (sexe, sadisme, violence, religion). Ce succès international plébiscité par la critique marque enfin le retour au premier plan d’un artiste touche-à-tout sulfureusement hors-norme. Le quatorzième long-métrage du Flying dutchman a marqué pour moi mon dernier coup de cœur 2016. 3 étoiles sur 4.
Spectateurs, verhoevenisez vous !!