En ce mois de décembre 2016, un cinéaste européen va se faire radiographier par mes yeux. Méliès, Truffaut, Cocteau, Buñuel, Sautet et James Gray ont déjà été passé au peigne fin. Voici donc le Hollandais violent, réalisateur contemporain sulfureux à se faire disséquer par mes soins (j’ai déjà vu et critiqué certains de ses films). Tout d’abord, le documentaire « Paul Verhoeven, cinéaste de la provocation » m’a permis de me mettre dans le bain. « Business is business », « Le choix du destin » qui a marqué ses débuts sur ses terres hollandaises, son œuvre charnière « La chair et le sang », puis « Robocop », « Total recall », « Basic instinct », « Showgirls », « Starship troopers », des films américains à la renommée planétaire, « Blackbook » et « Elle » pour son retour à la scène européenne, tous ceux cités font partie de ma check-list pour analyser la carrière de ce metteur en scène atypique, éclectique et électrique.
Voici donc « Business is business », son premier long-métrage réalisé sur sa terre natale. D’après l’œuvre éponyme d’Albert Mol, Verhoeven fait appel à Gérard Soeteman (rencontré sur le tournage de la série « Floris », il deviendra son scénariste fétiche : « Spetters », « La chair et le sang », « Blackbook ») pour l’adaptation du roman. Avec cette histoire de prostituées qui renversent l’ordre établi d’un quartier malfamé de la cité d’Amsterdam, Paul le hollandais pousse le bouchon jusqu’à rendre cette forme de liberté et de puritanisme comme une gangrène de la société traditionnelle flamande. Gangrène qui finalement s’installe sur son piédestal pour mieux appuyer là où ça fait mal. En cela, Verhoeven ancre son film dans les mouvements libertaires qui secouent l’Europe (mai 1968, révolution sexuelle) et pose ainsi les bases de réflexion de ses prochains films : scènes de sexe, violence à outrance, misogynie. Ici, tout est brouillon mais cela préfigure l’aisance naturelle qu’à Paul le néerlandais à la mise en scène. Un film brouillon dans la forme certes, mais de qualité dans le fond. On sent également que Verhoeven essaie de sortir des sentiers battus en faisant de cette liberté sexuelle une nouvelle forme de vie (via son personnage secondaire qui se marie). Et de se sentir impliqué dans chacun des personnages. Bravo. Beau travail d’écriture et de réalisation !
Ces propos, appuyés d’une musique on ne peut plus rafraichissante, nous permettent ainsi de nous immiscer dans les rues sournoises et inavouables d’Amsterdam en compagnie de ces deux prostituées jouées par les deux actrices principales (Ronnie Bierman et Sylvia de Leur aujourd’hui décédées) qui font le peps du film à elles seules.
Pour conclure, « Wat zien ik » (1971), de son titre originel, honnête comédie de mœurs au pouvoir dégu**lasse, dépeint la prostitution d’une manière peu élogieuse. Succès au box-office, Verhoeven continuera dans cette veine pour « Turkish delices », un deuxième long-métrage réputé beaucoup plus sulfureux.
Spectateurs en manque de sexe, …devenez misogyne ! 1 étoile sur 4.
A noter : la première rencontre entre Jan De Bont, alors simple directeur de la photographie, et Paul Verhoeven qui fera de lui son chef opérateur préféré (« Le quatrième homme », « La chair et le sang », « Basic instinct »). Jan travaillera ensuite pour Ridley Scott (« Black rain »), McTiernan (« A la poursuite… », « Piège de cristal ») avant de s’installer sur le fauteuil de réalisateur (« Speed », "Twister").