On ne peut soumettre un discours crédible sans profondeur émotionnel afin de justifier une adaptation de ce genre. Volker Schlöndorff prend le parti de nous vendre un thriller érotique sans les pulsions nécessaires ou la finesse thématique du roman de Margaret Atwood. Le scénariste Harold Pinter, qui a signé quelques adaptations modestes mais non-catastrophiques, se limite dans un schéma qui entasse l’héroïne sur un mal-être indépendante de sa volonté. Ce choix démontre à lui seul que la balance de nuances manquera à l’appel, c’est pourquoi le récit sonne parfois creux, à l’image d’un personnage qui manque de recul et de vision.
Nous découvrons peu à peu la République de Gilead, un état chrétien fondamentaliste dont la tradition dystopique alimente le pouvoir des politiciens. Le peuple vit dans la peur, la souffrance et la résistance face au régime totalitaire, empruntant quelques fois des traits communistes. Il est notamment d’une question de territoire entre l’extérieur et l’intérieur, comme entre le contrôle et la liberté. Ces oppositions forgent un sujet riche, mais qui ne profite pas à l’écriture du film, se limitant à un esprit fermé, faute à la mise en scène du réalisateur allemand n’ayant certainement pas capté l’essence des thèmes. On commence alors par nous introduire Kate (Natasha Richardson), capturée et soumise à la formation de servante pour l’état. Elle abandonne son identité pour Offred, chose que l’on néglige, car on ne revient pas sur ses racines avec pertinence et on ne termine pas non plus d’exploiter les piliers mis en place pour l’étude psychologique chez cette victime, trop lambda pour qu’on s’y attache réellement.
La narration condense tout sur une linéarité, succédant les exemples de prohibition dans les conditions de vie de l’homme. On cherche à préserver une âme dans ce contexte de reproduction chaotique, mais au prix de milliers d’autres, destinées à respecter un seuil social qui ne laisse rien présager de bon. Les vices, comme l’alcool, sont certainement soumis à une régulation édictée par les grandes figures comme le Commandant (Robert Duvall), dont le pamphlet politique n’atteint guère de disciples et crée des conflits internes, à commencer par ses servantes chargées de perdurer ce symbolisme totalitaire et rigide. Mais tout ceci ne se transmet pas correctement, car on ne prend pas de temps de détailler les doutes de la femme du Commandant, Serena Joy (Faye Dunaway), ainsi que la camaraderie sexuelle qui existe entre les deux femmes, soumises à une emprise qui les dépasse. Nous ne prenons pas le temps de développer la relation avec une autre servante, Moira (Elizabeth McGovern), si ce n’est un langage codé sans convictions. De même, par le biais du personnage de Nick (Aidan Quinn), on nous laisse dans l’embarras, sans que l’on puisse émettre un jugement à son égard. Tout passe trop vite dans l’intrigue, qui au lieu d’emprunter des ellipses pour un souci de cohérence, prend des raccourcis maladroits, gardant ainsi l’héroïne dans le traumatisme totale, sans évolution conséquente.
« La Servante Écarlate » (The Handmaid’s Tale) ne parvient donc pas à convaincre, en dehors de scènes malaisantes et qui fonctionnent à merveilles. Cependant, le réalisateur a préféré explorer la facette de l’érotisme au détriment de la conscience humaine, cœur du sujet et d’une société symbolique. La quête identitaire n’est pas non plus abordée avec méfiance et fonce droit dans des clichés où les corps nus restent stériles face à nos attentes. À partir du moment où la première « cérémonie » se dévoile, le récit tourne un peu en rond et promet une échappatoire sans charisme, à l’image de la prestation de Richardson.