Jacques Audiard a voulu signer un film fort, et il y est presque parvenu. Mais permettez-moi de parler de ce film à travers son affiche, une fois n’est pas coutume. Au risque de vous surprendre, l’affiche du film est très intéressante. Au premier regard, on voit qu’un seul personnage de représenté, et c’est en effet sur lui que le récit va se centrer. Si on regarde l’affiche d’une façon plus générale, on remarquera le contraste offert par les trois seules couleurs, bien distinctes. D’abord le noir, largement prédominant, censé (du moins c’est mon avis) représenter le côté sombre du personnage, ses activités douteuses, son impulsivité. Le blanc symbolise son rêve de gloire, d’être un virtuose du piano, un rêve déchu lors du décès de sa mère. Evidemment, j’imagine que l’association des couleurs noir et blanc a aussi été utilisée pour évoquer les touches du piano. Enfin le rouge : je pense qu’on peut l’associer au mode opératoire de sa profession, puisqu’il est dans la transaction immobilière véreuse, sur les traces de son père, dont il subit un chantage affectif et immoral, un père qui se fera assassiner par un mafieux russe avec qui il aura commis l’erreur de commercer. On peut également attribuer la couleur rouge aux blessures profondes du personnage. En se penchant de plus près sur l’affiche, on voit bien qu’elle a été faite selon le concept du cubisme, par l’intermédiaire de formes géométriques carrées et rectangulaires, entassées de façon désordonnée, cassant le personnage principal. Cela trahit le désordre qui règne dans la psychologie du protagoniste principal, cassé qu'il est par la vie, entre une mère décédée et un père à l'éthique contestable. Tom est en désordre total, en conflit avec un boulot qu’il supporte de plus en plus mal, et avec le rêve renaissant de devenir le pianiste concertiste qu’il a jadis espéré être. Deux mondes bien distincts. Nous retrouvons ainsi un personnage en quête de sa propre identité, à la fois violent, vulgaire, capable d’être brutal avec ses proches, ne trouvant d’autres moyens que de s’isoler en écoutant de la musique électronique à travers un casque pour se calmer et se ressourcer. Son interprète, Romain Duris, est superbe de composition. Certes son rôle a été magnifiquement écrit, ténébreux à souhait, en équilibre précaire entre haine et amour, au bord du pétage de plomb, mais avec une consistance de tous les instants. La mise en scène manque cependant d’envergure, et manque trop souvent de rythme. L’ennui m’a tourné autour, mais j’espérais un final en apothéose. Alors certes la fin est inattendue, mais j’espérais un épilogue différent, certes plus convenu, mais tellement plus fort. Après avoir vu ce film, j’ai eu l’impression d’avoir assisté à un traitement du sujet d’une relative froideur, pas suffisamment développé. Plusieurs petites histoires commencent pour rarement finir (que fait-il de son job ?), nombre d'entre elles ayant été traitées de façon superficielle (comme le fait qu'il couvre son pote et collègue). Je m’interroge aussi sur le comment on peut préparer une audition en quelques jours, quelques semaines, alors qu’on n’a pas touché à un piano depuis des années. Le scénario est réduit à sa plus simple expression, outrageusement simpliste, à se demander comment "De battre mon cœur s’est arrêté" a pu récolter plus de 20 prix, dont 8 Césars et le Bafta du meilleur film non anglophone. Au final, j’ai trouvé l’affiche bien plus intéressante que le film malgré la performance de Romain Duris, car devant ce film... de battre mes paupières se sont arrêtées dès le générique de fin, que j'attendais avec une certaine impatience non feinte.