Je ne sais pas comment noter The Proposition. Poignant par moments, le film se pare dans ses scènes les plus réussies des plus beaux atours du western crépusculaire, dessiné dans son scénario par le touche-à-tout Nick Cave. Poétique, que dis-je, élégiaque, le film tire un grand bénéfice de la crasse qui suinte des personnages, des décors et de la photo qui les met en scène, jouant admirablement de cette dichotomie. La décadence des mœurs, le désarmement de la civilisation impuissante à contenir les affres humains, et tous les thèmes inhérents au sous-genre sont retranscrits mieux que jamais, et le trouble est renforcé par l'opacité des personnages tour à tour loups et agneaux soulignant avec force que la vérité humaine est illusoire. "L'Homme est un loup pour l'Homme", ça fait très lieu commun, mais désolé, rien de mieux en magasin. Le tableau serait très positif si je n'étais tombé après coup sur une critique plutôt réfractaire au consensus général sur la qualité de ce western, et qui m'a ouvert les yeux en mettant le doigt sur une pensée que j'avais quelque part inconsciemment formulée, en arguant qu'Hillcoat, loin de rendre honneur à son matériau en le creusant, ne fait que s'emparer de ses aspects reluisants sans l'approfondir le moins du Monde, tel un sophiste pédant qui jouerait des mots avec ostentation pour impressionner un public. Ainsi en est-il de la violence, utilisée avec la conscience de son potentiel de fascination chez l'humain, mais sans lui conférer une puissance symbolique autre que superficielle. Ainsi en est-il, à nouveau, de quelques plans trop illustratifs où Hillcoat applique bêtement mais avec assez de roublardise des procédés déjà pensés par d'autres pour donner à son récit un écho mystique (parallélisme images/mots). Si j'étais passé à côté de ces facilités et de ce jeu de pantomimes, c'est bien que John Hillcoat a su les amener en prenant bien soin d'ôter ses gros sabots ; le fait qu'une fois soulignés, ceux-ci apparaissent clairement est en revanche bien le signe qu'ils existent néanmoins, d'autant que l'impression s'est depuis répétée avec Lawless, et dans une moindre mesure avec The Road, dont le récit littéraire possédait il faut le dire une telle puissance que son adaptation, pour peu qu'elle soit fidèle, ne pouvait que relever du grand film. Mais le réalisateur australien a quand même des armes, comme un superbe casting (Guy Pearce, Ray Winston, Danny Huston) un vrai talent de mise en scène et toujours ce matériau originel très prometteur bien que travaillé trop paresseusement et superficiellement. On reste quand même face à un western de valeur, sur la vague duquel à d'ailleurs surfé Jesse James. Mais ne cherchez pas un chef-d'oeuvre, ou si vous le trouvez, renoncez à creuser trop loin ses thématiques sous peine de ne pas trouver grand chose d'autre que du vide.